vendredi 16 avril 2010

Petits cours de littérature française pour apprenants chinois

   
"Il faut courir le mauvais, et se rassoir au bon" - Montaigne

Aujourd'hui plein soleil. Et il fait chaud. On aurait de la peine à croire que le paysage avait revêtu les frimas de l'hiver la veille. Les machines du chantier rythment la vie. Diane debout, mes élèves arrivent pour le cours de huit heure. Café. L'école enfantine à côté joue le morceau de l'accueil des élèves: rythme gai et légèrement martial pour enfants dynamiques et plein d'entrain! Toujours le même morceau à la même heure. Je peux les imaginer arriver. Les parents aguillent leur petit sur le porte-bagage de leur vélo qu'ils poussent en marchant à côté, certains zigzaguent entre les nombreux couples père-enfant, mère-enfant et plus souvent, grand-parent-enfant. De grosses voitures se frayent un passage dans la foule pour déposer l'enfant adoré devant le portail. La même scène tous les jours, en Chine comme ailleurs. Mais ici, en musique. Et les parents restent en-dehors des limites de l'école.

Dans cette foule de têtes noiraude marchent mes élèves. Ils viennent à domicile ce mois, par petits groupes de 7 et envahissent mon petit salon. Tableau blanc posé sur le dossier du canapé, chaises et tabourets autour de la table à thé, quelques élèves assis sur le meuble tv et la prof vautrée dans le canapé, jambe surélevée sur des coussins: interdiction de la poser par terre! C'est le système D, mais ça marche! Et le fait d'avoir de petits groupes rend l'enseignement plus personnalisé. Ceux qui se cachaient des questions sont obligés de participer. Chacun a un temps de parole plus long, et moins de crainte de s'exprimer. Ça compense le déplacement.

8h00. C'est l'heure de commencer. Un élève manque, il viendra peut-être avec le deuxième groupe. Ils ont un peu tendance à décider sans me consulter de ce genre de changement, mais je ne vais pas en faire toute une histoire aujourd'hui: c'est mon cours préféré, celui il m'est donné de partager ma passion pour la littérature et de donner envie à mes élèves d'en savoir plus, de découvrir la plus belle des richesses culturelle de la France. Mon rêve: enseigner la langue à travers l'art et la culture, faire des liens entre les mouvements littéraires, musicaux et artistiques, pour toute l'Europe. Je dois me contenter d'enseigner les grandes lignes de l'histoire littéraire: 15 cours pour parler de tous les mouvements et auteurs importants du Moyen-Âge au XXème siècle! Mais ça ne se fera pas sans passion!

Et, bonheur suprême, mes élèves répondent positivement au cours: ils se montrent enthousiastes, curieux, réactifs! C'est un régal! Une semaine après avoir étudié Rabelais, je les entends rire encore: oui! Rabelais fait toujours rire! Il fait rire des étudiants chinois du XXIème siècle! Je les vois froncer les sourcils et s'étonner de la modernité de Montaigne! Je les vois s'enthousiasmer pour l'étrange scepticisme de Descartes (oui! ils se passionnent pour Descartes! Et ils ont raison! J'adorerais d'ailleurs les voir devenir un tout petit peu plus cartésiens dans leur travail...),  je les vois attraper le vertige des angoisses pascaliennes!

Voilà trois cours déjà que les humanistes nous le répètent: profitons de chaque instant de la vie. Prolongeons les plus agréables! Ces cours de littérature sont certainement de ces instants que je veux prolonger. Tout devient si vite souvenir, mais parmi ces souvenirs, il est des trésors que je vais longtemps chérir.

Photo prise sous wikimedia

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