dimanche 21 mars 2010

La Chine sur deux bâtons

   
Le premier qui rira ...

Avant d'y aller, j'imaginais que le Japon était un pays sûr et moderne. Comme toute illusions qui se respectent, les miennes se sont rapidement évaporées. Surtout celle sur la modernité, le jour où j'ai posé les yeux sur les béquilles sur lesquelles j'allais devoir m'appuyer pendant trois mois. Ah! le beau souvenir du Japon traditionnel que je m'offrais là!

Me voilà donc, depuis quelques longues semaines, en train d'explorer la Chine sous un nouvel angle. Celui de la personne handicapée (physically challenged comme ça se dit dans les bus japonais. Notez la subtilité et la délicatesse de l'expression!) Ce n'est pas une expérience inutile en soi, c'est même plutôt intéressant, le désagrément mis à part. Car à bout de bâtons, la Chine prend un tout autre visage. Celui d'un pays où il faut être jeune, et sain. Et où il faut vivre en communauté. Le célibataire individualiste a intérêt à rester en bonne santé, s'il ne veut pas voir son expérience chinoise tourner à l'aigre.

Ainsi, il semblerait que les ascenseurs soient une invention nouvelle. Réservée aux privilégiés. Et aux privilégiés sains et rapide, vu que la porte ne daigne pas rester ouverte plus de 3 secondes! On entre pas dans les ascenseurs, on saute dedans. Mais je ne suis pas une privilégiée. En tout cas pas au niveau du logement. C'est donc à bout de béquille que je dois escalader les 5 étages qui mènent à mon appartement. 

Mais parlons salles d'eau. Et bien avec des béquilles ça peut aller, si on fait bien attention de ne pas glisser ensuite quand le sol est recouvert d'eau (froide). Mais on peut quand même se demander comment ferait quelqu'un en chaise roulante (s'il était parvenu au 5ème, bien sûr). Et si j'ai la chance d'avoir des toilettes occidentales, je dois tout de même me retenir jusqu'à ce que je sois chez moi à chaque sortie. Vous avez déjà essayé les toilettes turques avec des béquilles? Même quand elles sont propres ça tient du jeu d'équilibriste. Et c'est là que je constate que des toilettes pour personnes "physically challenged", ou simplement âgées (je me demande comment font les personnes âgées quand leur fragile vessie les envoie à la case p'tit coin, publique ou non, vu que la majorité des appartements ont des toilettes turques), ça ne court pas les rues, ni les restaurants, aussi chics soient-ils. J'en ai rencontré deux fois: à l'aéroport, et dans le grand complexe de cinémas.

Tout cela n'est que détails, comparé aux routes. Premièrement, on ne sait jamais, lorsque l'on met le nez dehors, si la route sera toujours là. C'est un peu une manie, ici, de refaire les trottoirs et les routes même quand elles n'en ont pas besoin. Ceci dit, elles en ont souvent besoin. Le gars qui fabrique des catteles (carreaux de faïence, pour les non-helvètes) doit avoir le bras sacrément long pour avoir su l'imposer à la Chine entière! Tous les trottoirs de Chine sont recouvert du même matériau fragile, qu'il faut sans arrêt remplacer et qui se transforme en vraie patinoire à la moindre goutte d'eau. Les grandes places, comme les escaliers qui mènent aux restaurants (où à la boulangerie), sont en marbre noir incessamment récuré à coup de panosse, et donc toujours mouillé. La Chine, ça glisse! Et c'est casse-gueule. Une mesure pour réduire la population?

Il faut dire qu'il faut être fou, quand on est handicapé, pour sortir seul. Ou pour sortir tout court. Du moins, c'est l'opinion de nombreux chinois qui s'illuminent d'étonnement (et rient) en voyant une étrangère se balader à bout de béquille. Un ami, il y a quelques temps, me racontait qu'à Pékin, un homme traversait la route en chaise roulante. Autour de lui, les chinois commentaient avec étonnement l'évènement: comment cela se faisait-il qu'il soit dehors? Et seul? N'avait-il donc pas de famille pour s'occuper de lui? Et voilà, ça résume tout. Les personnes handicapées restent chez elles. C'est la famille qui fait tout pour elles et si elles sortent, c'est entourées de plusieurs membres du clan, pour les aider. Ainsi, combien de fois ai-je vu une famille entière porter à bout de bras la chaise de leur aïeul(e) pour entrer dans un restaurant, ou descendre les marches qui mènent au parc? Sans mentionner le système hospitalier où les soins se limitent au minimum que la famille ne peut faire elle-même. Des infirmiers pour nourrir ou laver le malade? Vous rigoler? Ça, c'est le boulot de la famille! Ainsi, 5 semaines après l'accident, lorsque l'on m'a sortie du plâtre pour le remplacer par une attelle, j'ai dû réclamer  pour avoir le pied lavé avant de l'enfermer à nouveau. On m'a alors tendu un vieux chiffon douteux imbibé d'eau. lave-le toi-même! Autant le dire, en Chine, il vaut mieux ne pas devoir se faire hospitaliser si on est seul. La solitude ici est une malédiction!

Un article ici sur l'hôpital et le système de soin en Chine.
A qui sait vouloir, rien n'est impossible: des voyageurs pas comme les autres

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