jeudi 18 mars 2010

Il y a une grenade dans mon frigo

   
Oh! Angoisse!

S'il y a une chose au monde que je ne comprends pas, c'est la grenade. Le fruit. Je n'ai aucune envie de comprendre les grenades militaires et la ville se découvre avec plaisir. Ce qui n'est pas le cas du fruit.
Ma première rencontre avec une grenade fut mémorable. Elle eut lieu au Kosovo, alors que j'étais assise sur le bord d'un divan reluisant de propreté, dans un appartement reluisant de propreté, entourés d'hôtes rayonnants d'inquiétude de me voir apprécier ma visite. J'étais assise, chez mon propriétaire. Un homme adorable, artiste qui avait étudié à Paris et qui aimait beaucoup parler en français avec moi. Et j'appréciais beaucoup sa compagnie aussi, mais plutôt chez moi que chez lui. Car dans son salon, j'étais mal à l'aise. On m'entourait d'attentions. Je me répandais en remerciements, en "non, il ne faut pas!", en "je ne veux surtout pas vous déranger"... Ah! l'hospitalité kosovare, ou musulmane de manière générale (l'hospitalité palestinienne n'est pas prête de quitter ma mémoire). Le thé (turque) était bon, mais je n'avais pas faim pour toutes les friandises que l'on me présentait: une tarte faite exprès, vite fait bien fait, pour ma  visite, des friandises que l'on me déballait, des fruits. On me cajolait. Jusqu'à ce que l'on me présenta... une grenade.

Autant le dire, je ne suis pas prête de l'oublier, cette grenade. Je ne l'ai pas ouverte moi-même, mais je me suis retrouvé dans l'obligation de poliment la consommer devant mes hôtes, extrayant maladroitement les petits grains rouges qui sautaient d'un coup dans tous les sens (d'où l'inspiration militaire) et se répandaient sur le divan, le tapis, la table, mes habits, tous impeccables  (du moins pour les meubles) jusque là. Et moi de me répandre aussi, en excuses. Tandis que les femmes, assises autour de moi, se réjouissaient de me faire découvrir quelque chose de nouveau, je m'empourprais sous la confusion de ma maladresse. Quel fruit idiot, me disais-je! Même à mon pire ennemi je n'offrirais pas un fruit aussi stupide. Quelle humiliation l'on fait subir à son hôte, en lui offrant une grenade! A la moitié du fruit, je finis par demander si je ne pouvais pas emporter le reste chez moi, pour en jouir plus tard. Autant le dire, mon opinion des grenades ne s'élevait pas bien haut. En fait, elle plongeait plutôt dans des abysses sans fond.

Ajoutons à cela je traumatisme d'enfance du sirop à la grenadine, que les adultes commandent d'office au resto pour la "gamine". Oui mais alors vert, le sirop. Pas rouge. Rouge, ce sera pour plus, quand j'aurais le droit de boire de la bière. Et encore. Juste pour essayer.

Mais voilà-t'y pas* que je me  retrouve au pays des grenades. Non, pas la Chine. Le Shaanxi. Et surtout, Xi'an. Il y a même un festival des grenades. Et tous ceux qui se rendront au musée des soldats de terre cuite ne manqueront pas de remarquer les champs de grenadiers qui y mènent, et les vendeurs de grenades au bord de la route. C'est donc tout naturellement que, la malade emplâtrée que je suis, reçut en cadeau, deux grenades! Et oui, en Chine, on offre des fruits aux malades. Et l'on offre aussi des spécialités. Les deux combinés, je ne pouvais donc que recevoir des grenades.
* comme dirait ma grand-mère

Autant le dire, après les remerciements d'usage, ma première réflexion fut: "mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de ces trucs?" C'est ma voisine russe, culinairement plus créative, qui a répondu à la question. Et la réponse fut la bonne: je me suis vue offrir un bracelet de grenades! Ah! La générosité russe!

Le bracelet de grenades:
Il s'agit essentiellement de couches d'ingrédients disposés en anneaux superposés, comme ceci:

1. Au fond: pommes de terres, écrasées avec de l'ail et soit de la mayonnaise, soit du fromage blanc (Anchor ici, Philadelphia va aussi). En tapisser en anneau le fond d'un plat rond.
2. Une couche de mayonnaise (coréenne, la chinoise est sucrée et se met sur les salades de fruits)
3. Une couche d'oignons finement découpés
4. Une couche de viande (ici du jambon, mais du poulet serait préférable)
5. Une couche de carottes râpées
6. Une couche de persil
7. Une couche d'œufs durs réduits en miettes
8. Une couche de betterave rouge râpée mélangée à du fromage crémeux blanc (le même) ou de la mayonnaise (ici on trouve une marque allemande en bocal, trempée dans un vinaigre léger. Très bon).
9. Parsemer de graines de grenades.

Et voilà.

C'est très bon. Peut-être pas forcément à cause de la grenade, mais il faut lui laisser ça, elle donne un petit goût acidulé rafraîchissant. Dommage qu'il y ait des pépins.

Bref, je me suis à peu près réconciliée avec la grenade. Non pas que je vais en acheter une, mais au moins, si on m'en offre une, je sais quoi en faire et je continuerais d'explorer les possibilités de salades.


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