vendredi 5 mars 2010

Jirô Asada - "Le Roman de la Cité Interdite"



Un trésor peut se cacher au fond d’un livre

Quel drôle d’ovni avait atterri dans la hotte du père Noël : un livre sur la cité interdite, écrit par un auteur japonais.

C’est avec curiosité, mais aussi avec méfiance que je me suis saisie des deux gros volumes de ce roman ambitieux. En effet, curieuse de voir ce qu’un auteur japonais avait à dire là-dessus, et méfiante face à la quatrième de couverture qui annonçait de la fantaisie, de l’ésotérisme même sur une toile historique. L’histoire n’allait-elle pas être trop fantasque, voire trop romancée ? C’est ce que je me suis demandée en la lisant.

Le roman s’inscrit dans le dernier tiers du règne de l’impératrice Cixi (Tseu Hi) et se concentre sur les évènements et les personnages autour de la Réforme des Cent jours. Cela permet à l’auteur de nous plonger dans la Chine traditionnelle avec ses rites de 5000 ans d’âge et de nous amener au seuil de sa difficile mutation vers la modernité.

Si les craintes se sont en partie réalisées, j’ai été plutôt déçue  en bien : dans le premier volume, le plus passionnant, l’auteur nous plonge dans l’histoire « transversale » : ainsi, on accompagne l’ambitieux mais naïf Tchouen Youn chez les eunuques et les faiseurs d’eunuque et, au travers de scènes très crues, explorons ce système cruel qui offre aux plus désoeuvrés une chance de prestige inimaginable comme esclave dans la Cité Interdite. Le réalisme de l’écriture et le charisme des personnages tient véritablement le lecteur en haleine. Parallèlement, un deuxième personnage tout aussi charismatique, Liang Wensiou, nous plonge, lui, dans le système des examens impériaux et le monde des mandarins. Passionnant ! Je ne plaisante pas !

En compagnie de ces deux héros, le lecteur va alors explorer l’opposition entre les réformateurs (Liang Wensiou ainsi que des personnages historiques comme Kang Youwei ou Sun Yatsen) et le camp des conservateurs en compagnie de l’eunuque favori de l’impératrice, le personnage fictif de Tchouen Youn.

C’est sur cette opposition que le deuxième volume, Le dragon bicéphale, se base. En compagnie de personnages historiques, on quitte le monde de la fiction et l’on suit l’histoire linéaire, avec par ci, par là quelques interventions romancées ou fantaisistes qui rajoutent au mystère. Moins passionnant, ce deuxième volume perd de son charme mais permet en revanche de s’intéresser de plus près à l’histoire du court règne de Tsai Tien, le neveu de l’impératrice, et à sa réforme des Cent jours. Autrement dit, aux courants de pensées réformistes de l’époque. Et c’est là que l’auteur perd de sa force : cette pensée n’est pas explorée en profondeur, on reste plutôt au niveau des intrigues, et c’est bien dommage.

En revanche, grâce à quelques scènes qui nous projettent au XVIIème siècle, l’ombre du passé s’étendant sur la Cité, j’ai fait une merveilleuse découverte : un trésor. Le peintre de cour Lang Shining, connu aussi sous le nom de Giuseppe Castiglione ! Ce génie du baroque qui s’était embarqué pour la Chine tout jeune, comme missionnaire jésuite, et qui a passé toute sa vie comme peintre à la cour de l’empereur de Chine. Je suis allée voir ses œuvres sur Internet : à couper le souffle. Je sens là une histoire passionnante et vais faire de plus amples recherches. Merci Asada Jirô pour cette fabuleuse découverte !

En résumé, ce roman est un moment de lecture agréable, intéressant sous pas mal d’aspects, mais aussi assez superficiel. Il passe comme une distrayante série télévisée que l’on a tôt fait d’oublier. A prendre en vacances (d’été, vu qu’une bonne partie se passe sous la canicule).

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