vendredi 4 juin 2010

Trains et brosses à dents

   
17 heures. Assise. On doit pouvoir survivre a cela. 
C'est sur. Je le confirme aujourd'hui, on survit.
 
Le wagon est plein a craquer. Si on veut avoir une vraie impression de ce a quoi ressemble ce wagon, il suffit de prendre le metro a Paris (ou à Pékin) durant les heures de pointe ou de faire le trajet Lausanne-Geneve a l'heure ou les pendulaires vont au boulot ou en revienne (ce qui est pire parce que a ce moment, ils ne somnolent plus mais sont fatigués et pressés de rentrer donc plutot agressifs). Bref, prenons donc le Lausanne-Geneve, en plus large, avec plus de monde et remplacons la demi-heure d'enfer (j'ai toujours pensé que ce train allait me rendre psychopathe) par 17 heures. Fais abstraction Mbu, fais abstraction!
 
Le train Shanghai-Shenzhen part à 12h30, donc tout le monde mange. Il y a de l'eau chaude gratuite dans tous les trains pour les bols de nouilles (mais comment font les gens pour ne pas s'en mettre partout?) on voit donc des équilibristes se faufiler dans la foule qui obstrue le couloir, assis, debouts, partout... Tout a coup, un gros gaillard qui ressemble à un gorille gradé à l'armée, ton autoritaire, voix très portante (le gars derriere lui se bouche les oreilles) se plante juste a coté de moi (je suis au milieu du wagon, côté couloir) et se met à aboyer plein de trucs en chinois (ce qui est logique, en Chine), d'un air des plus sérieux. Il vend... des brosses a dent. Flexibles s'il vous plait. Je connais la scène, je l'ai déjà vécue dans le train Chengdu-Chongqing: dans les trains chinois, on vend des brosses a dent!  Et ou! Et les passagers sont intéressés, écoutent, regardent et tâtent les brosses, éprouvent leur flexibilité. Après tout, avec 17 heures à tuer, autant se distraire, même d'une brosse à dents. Mes six compagnons de siège en achetent trois. Et ça continue... Le gaillard vend aussi des bracelets. Puis, beaucoup plus tard, il revient avec un petit classeur que je connais bien (déjà vu dans le train de Chengdu aussi) et se met a faire un démonstration. Les gens plaisantent, sont curieux, touchent, rient, essayent un petit gadget infraviolet qui permet de voir si les billets de banques sont vrais. Et hop, mes voisins achètent.
17 heures. 16 heures. Plus que 2 tiers, plus que la moitie... La musique, parfois chinoise, parfois moderne, baigne le wagon. On mange, encore et encore. Mon voisin adore les graines de tournesol. 

Le temps passe. On s'assoupit. La jeune fille à côté de moi dodeline de la tête, la pose sur mon épaule, se réveille, se tourne et s'appuie sur son amie.  Dans le couloir, on s'allonge comme on peut, ou reste debout, la tête qui pend. Un homme prend ma jambe pour un oreille, un autre s'enfile sous mon siège. Mais pas longtemps. Car il faut mentionner la terreur du wagon: le chariot de bouffe qui fonce aveuglément dans la masse des gensqui s'écartent (c'est délirant de voir qu'on peut encore faire circuler quoi que ce soit avec tout ce monde), se réfugiant entre les sièges, sur les baggages, sur mes genoux.
La nuit, on fait semblant de dormir. C'est long, très long. Mais si ça, ce n'est pas vivre la Chine! Une expérience ethno-sociologique que je ne renouvellerai pas (il va donc falloir que je m'y prenne a l'avance pour le train Shenzhen-Chongqing. Parce que je rentre en train. Si, si.)
NB: Ce billet, tiré de l'ancien blog, date de juillet 2008. En août 2009, les aléas du sort m'ont forcée à renouveler l'expérience entre Xining et Xi'an. 10 heures à mourir d'ennui avec de jeunes compagnons de voyage fort sympathiques qui, après avoir éprouvé mon chinois jusqu'à ses limites, on transformé le voyage en pique-nique canadien.

Source photo: chine-information

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