« Vous allez à Chongqing ? Pourquoi Chongqing ? Vous n’allez pas aimer ! Allez plutôt à Pékin, Pékin c’est bien. » Et d’insister sur le bruit, la pollution, la laideur de la ville, la grossierté des gens, alors que Pékin, c’est tellement plus intéressant, plus beau.
Ainsi parlait le voyagiste chinois auprès de qui j’ai acheté mon billet d’avion. Oui, mais moi je vais à Chongqing, parce que j’y ai trouvé un travail. Bien qu’à force d’en entendre parler en termes peu élogieux, de voir que non seulement le voyagiste, mais les guides de voyage également, ne s’arrêtent pas à Chongqing, ou seulement s’ils y sont forcés, et ne lui accordent que peu de place, je commençais à avoir un doute sur le choix de ma destination, cette nouvelle aventure qui se présentait sous un jour brumeux et pollué, plutôt déprimant, comme me la présentait les photos de « google image ». « Chongqing peut se visiter en une journée », dit mon lonely, parlant d’une ville de 10 mio. d’habitants. C’est 3 mio. de plus que la population de mon pays ! « Je suis passée à Chongqing », me confiait une voyageuse, « à peine y ais-je mis les pieds, je suis repartie. J’ai détesté. » Apparemment, les quelques journalistes qui y sont restés le temps d’un article n’ont pas beaucoup aimé non plus, du moins, ils n’ont pas su en saisir l’esprit, bien qu’ils aient remarqué son côté fascinant.
C’est donc avec beaucoup d’appréhension que j’ai débarqué dans ma toute première mégapole. Pensez un peu, une lausannoise (130'000 habitants) perdue dans la tropicale cité des brumes dont les gratte-ciels flous et sans fin émergent au garde-à-vous tandis que la voiture venue me chercher file sur une interminable autoroute en slalomant dangereusement entre les camions. La voiture est climatisée, mais j’ai eu un aperçu en sortant de l’aéroport du fameux climat de Chongqing ! L’une des trois fournaise de Chine.
Premières impressions, premier coup de cœur.
En arrivant à l’université (SISU) : les arbres hurlent. En cœur. Puis s’arrêtent. Et recommencent. On dirait une gigantesque machine qui s’ébranle et s’arrête, mais cela vient bien des arbres. Deuxième impression : je suis dans la jungle. D’ailleurs, un gecko m’attend dans ma cuisine. On cohabitera quelques temps.
Amoureux de Modigliani, vous aimerez les ficus de Chongqing. Amoureux des villes étranges, vous vous laisserez fasciner. Car Chongqing, c’est tout d’abord une jungle. Une jungle urbaine, chaotique, qui se cherche et se transforme au fil des jours. Et qui se mêle à la forêt, la jungle tropicale, qui envahit ses trottoirs, ses, murs, ses rues, son ciel. Ces ficus dont les troncs s’entremêlent comme des corps d’amoureux en train de danser lascivement pour exploser en une ramure d’émeraude (qui se découvre surtout les jours de pluie) dans laquelle se cachent les cigales. Les trottoirs se soulèvent sous les racines, les arbres rampent contre les murs, envahissent l’espace urbain autant que l’espace urbain a envahi leur territoire. Les deux univers s’entremêlent.
Ensuite, Chongqing, c’est la campagne. Imaginez un peu une mégapole en pleine expansion, une ville champignon qui explose, qui se répand, bien qu’elle soit enserrée par ses deux fleuves… et qui garde des airs de cambrousse ! Un ami qui vit dans un gratte-ciel au centre de son district me racontait que son voisin gardait un coq chez lui, et que celui-ci chantait tous les matins, à l’aube, réglant le rythme de l’immeuble ! Un voisin excentrique ? Non, les rues de Chongqing ressemblent à des ruelles de village où les poules fuient à l’approche des passants pour aller gratter plus loin la terre battue. Normal, la grande majorité des habitants de Chongqing viennent de la campagne. Et l’esprit paysan y règne plus que dans n’importe quelle autre cité : Chongqing, c’est la cité des paysans, la campagne à la ville.
Sortir et s’émerveiller
« Si vous n’avez pas vu Chongqing la nuit, alors vous n’avez pas vu Chongqing ». Ainsi parlent les Chongqinais. C’est vrai. Si la ville peut paraître terne la journée (il y fait assez rarement beau, il faut l’admettre), elle explose en un feu d’artifice de couleur la nuit. Ah ! siroter un thé en grignotant des graines de tournesol sur une terrasse de bois de Nanping Gongyuan, au bord du Yangtse, et regarder la ville s’allumer ! Prendre ensuite le téléphérique, traverser le Yangtse et rejoindre Jiefanbei pour aller souper dans un restaurant panoramique au sommet d’un gratte-ciel : une heure, un tour complet ! Et pourquoi ne pas terminer par un jeu de bowling au Metropolitan ?
A l’écoute de ses papilles
Mais la meilleure manière d’apprécier l’étrange mégapole, c’est de suivre son estomac. S’il aime l’aventure, il ne sera pas déçu. Question gastronomie, Chongqing reste une expérience inoubliable. Il faut dire que la région était plutôt pauvre, les gens se contentaient donc des abats, parfois de viande peu fraîche. Ils ont donc pris l’habitude de noyer les plats dans le piment et le poivre du Sichuan. Aujourd’hui, la situation est un peu différente, mais la sauce est restée. Gare à ne pass trop abuser du fameux huo guo !
Il ne faut surtout pas hésiter à s’enfiler dans les petites rues où abondent les stands de nouilles, les chuan chuan (hot pot - brochettes), les grillades. Si c’est l’authenticité que l’on cherche, c’est là qu’on la trouve ! Le mieux étant de manger un peu de-ci de-là, de goûter à tout. À plusieurs, il y a la convivialité du huo guo (hot pot) ou, en passant, le piquant des sunlafen (nouilles de patate douce dans une soupe au piment). Et surtout, il est impossible de manquer le hua jiao, le poivre du Sichuan, une aventure en soi ! Et pourquoi ne pas terminer par une œuvre d’art en sucre ? Il y a des artistes chez les confiseurs !
Retrouver le calme et la nature à Chongqing
Ras-le-bol de la ville ? Il est possible de se perdre sur les sentiers de Geleshan, autour de la prison qui vaut le coup d’œil en soi, mais surtout sur les sentiers des villages alentour, dans lesquels on peut s’arrêter et déguster un poulet rôti au piment qui laissera des souvenirs douloureux aux estomacs les plus fragiles. On peut aussi s’abandonner à la beauté du jardin botanique de Nanshan, immense et superbe, surtout au printemps. Mais gare à la foule ! Surtout le week-end. Le jardin du temple de Hua Yuan est aussi très agréable, avec son superbe Bouddha d’or.
Une balade le soir dans le vieux quartier restauré de Ciqikou, à l’heure où la foule s’est dissipée et où seules les maisons de thé d’où émanent de la musique traditionnelle sont encore ouvertes. Et voilà qu’on se retrouve plongé dans la Chine ancienne. C’est calme et agréable, tout le contraire de l’effervescence de la journée, quand la foule se précipite dans les boutiques de souvenirs folkloriques : objets anciens, costumes chinois, quelques trésors, beaucoup de bruit. Là, il vaut mieux aller se réfugier au temple, s’attabler sur sa terrasse et siroter un thé. Le petit temple de Ciqikou reste l’un des plus joli que j’ai eu l’occasion de voir.
Et si on veut vraiment se relaxer, il y a à Nanping des termes superbes : petits pavillons chinois avec bain privé et un lit pour se reposer, bains aux divers parfums, poissons mangeurs de peau morte qui adorent les pieds (ça chatouille !) et buffet à gogo à 23h00 : l’épicurisme chinois dans toute sa grandeur, pour un prix franchement très modeste. De quoi en jouir souvent, très souvent. Aussi souvent que l’on veut !
Et puis si l'on veut sortir de la ville, il y a Dazu, Langzhong, la forêt de bambou, la forêt de pierre... Pas toujours facile, cependant, de trouver le bon bus... ou même la station dudit bus.
Et puis si l'on veut sortir de la ville, il y a Dazu, Langzhong, la forêt de bambou, la forêt de pierre... Pas toujours facile, cependant, de trouver le bon bus... ou même la station dudit bus.
Alors finalement, quelle impression reste-t-il de Chongqing ? Et bien celle d’une ville fascinante, mais qui demande du temps. On aime pas Chongqing du premier coup. Il faut lui laisser le temps de la découverte. Se perdre dans son labyrinthe (et après deux ans on se perd toujours), se laisser emporter dans ses petites ruelles, plonger dans son effervescence. Les gens de Chongqing sont rudes. Francs. Ils parlent fort, s’emporte, éclatent de rire, grognent. Bref, ce sont des montagnards. On se fait un peu bousculer, crier dessus puis on se prend une grosse tape amicale dans le dos. Ils ont cette franchise dans le contact que l’on ne trouve pas partout en Chine. C’est en les quittant que je me suis rendue compte à quel point je les aime bien, les gens de Chongqing.
Quelques liens utiles:
Le groupe des femmes, organisation caritative qui aide les enfants les plus pauvres propose quelques liens
Les sites d'expats à Chongqing proposent des renseignements, des balades, des rencontres et des adresses pour un peu tout:
Vous trouverez des photos de Chongqing ici:
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