vendredi 30 avril 2010

Attention - petit coeur

 
小心 !

Quelle délicieuse expression! 小 (xiao) veut dire petit et 心 (xin) qui lui ressemble beaucoup, c'est le cœur. Petit cœur. Un petit nom de tendresse? Un biscuit? Non. Cela veut dire "attention!". En Chine, on fait attention avec le cœur alors qu'en français l'attention est liée au regard. On sent le petit sursaut d'adrénaline, le cœur qui se contracte. Et la splendeur amusante de phrases comme:

"Petit cœur à votre tête !"


Je suis émue!

   
Aujourd'hui, petite sortie. Il faut que j'aille payer le gaz et j'en profite pour jouir du soleil. C'est une journée splendide et rester cloitrée chez moi me déprime. Hop, hop, hop, je bondis sur mes béquilles, joue les acrobates. Que ça fait du bien de se dégourdir un peu! Un cabri à trois pattes!

Souvent, quand je sors, des personnes m'abordent pour s'enquérir de ma cheville. Généralement, ce sont des personnes âgées qui y vont de leur commentaires, conseils ou curiosité. J'ai même dû arrêter mon aide de ménage qui s'était soudain saisi de ma cheville pour tenter de la remettre par un massage dont elle se jugeait experte! Euh...

Mais mon chinois restant très basique, je ne peux dire que ce que j'ai besoin de dire souvent. Phrases apprises par cœur, vocabulaire péché sur le tas avec les commerçants, les restaurateurs et les parfois très volubiles chauffeurs de taxi. En Chine, face à l'étrangère que je suis, il y a deux réactions totalement opposées. La première, très fréquente, c'est la panique de ceux qui présupposent qu'ils ne vont rien comprendre à ce que dira l'étrangère. Dans ce cas-là, je peux parler chinois autant que je veux, je ne rencontrerai qu'un "qing bu dong" (je ne comprends pas) obstiné de la personne qui ne se donne pas la peine une seconde d'écouter. Deuxième cas, ceux qui pensent que tout naturellement on parle tous chinois, ou qui, après deux mots de chinois maladroitement balbutié par l'étrangère, pépient à toue vitesse, et me perdent en route. Bref, il faut admettre que c'est assez frustrant de devoir se limiter à la pluie et au beau temps faute de maîtrise de la langue.

En Chine, les gens peuvent être très spontanés dans le contact. Surtout les plus âgés. Étrangement, la jeunesse estudiantine se montre moins ouverte. A part mes étudiants bien sûr, qui me connaissent et me font parfois sursauter dans la rue lorsque, rêveuse, je ne les vois pas et qu'ils sautent dans mon champs de vision pour me dire bonjour et repartent en courant. Ou cette jeune fille qui m'avait sauté sur le dos en criant mon prénom (si, si, c'est tout un art de faire comprendre qu'il faut appeler son professeur par son nom de famille et lui dire "vous"), pour me dire qu'elle voulait dire quelque chose mais qu'elle ne savait pas comment le dire avant de me planter là, à me creuser la cervelle pour la remettre (une collègue? une élève? j'en avais une centaine à l'époque) d'un joyeux au revoir, et de marcher-courir (c'est le terme en chinois, et ça veut dire ce que ça veut dire) pour disparaître dans la foule.

Aujourd'hui donc, j'étais accompagnée d'une chinoise, lorsqu'une voisine nous a abordé. Une fois mes phrases toutes faites et ma compréhension épuisées, la femme s'est tournée vers l'étudiante chinoise qui m'accompagnait et a continuer à  discuter du problème. Je saisissais quelques bribes mais partais surtout du principe que c'était là une occasion de papoter, et les gens aiment beaucoup papoter. Une fois la voisine nous ayant quitté d'un joyeux "man zuo!" (marche lentement - formule habituelle quand l'on quitte quelqu'un qui marche mais qui tombe à pic lorsque l'on sautille sur un pied), l'étudiante s'est tournée vers moi: "ça lui fait mal à l'âme de te voir comme ça", m'explique-t-elle, "chaque fois qu'elle te voit ça lui fait mal à l'âme. Elle aimerait t'aider, par exemple faire la cuisine."

Autant le dire, je suis émue.

Dans le même ordre: instant de bonheur

dimanche 25 avril 2010

"Mon beau cheval noir" - ZHANG Chengzi

   
Le chant de la vie et des regrets humains qu'entonnent les hommes des steppes mongoles

 Ce sentiment qui s'accumule et reste enfoui au fond du cœur des cavaliers depuis si longtemps commence maintenant à monter dans le silence. Il hésite encore, souffle timide, à jaillir en une mélodie, à se transformer en une saveur, qui ne trouvera jamais d'achèvement dans son expression, mais qui reste simple, pure et primitive. Une âme particulière s'éveille, qui, en elle-même, n'a pas de voix. Dotée cependant d'un sens inné de la musique, elle contient des rythmes lents, des tonalités basses, une mélodie qui s'écoule dans le cercle de la vie. Elle comprend aussi des couleurs, bleues ou vertes. Ces cavaliers ,qui sont restés trop longtemps dans le silence, sans en deviner la raison, stimulés peut-être par cette âme qui les assaillit, se mettent à chanter (...)

Zhang Chengzi, "Mon beau cheval noir"

C'est par la naissance d'un chant dans le silence de la steppe, né des entrailles d'un cavalier solitaire, que commence le prologue de "Mon beau cheval noir". Et c'est par un chant qu'il se clôt. "Mon beau cheval noir" est un chant. Il fait partie de ces nombreuses chansons immémoriales sur les chevaux. C'est un chant simple et rude, naïf dans sa simplicité mais qui fascine par sa mélancolie le jeune Baiyinbaolige - au point qu'il en donne le nom, Ganga-Hala, à son splendide poulain noir - et le hantera toute sa vie sans qu'il en comprenne vraiment le sens. Jusqu'au jour où il vivra lui-même ce chant, emmené par Ganga-Hala.

Chaque chapitre du roman est un vers de la chanson. Un chant immémorial, et moderne en même temps. Celui des espoirs déçus, celui de l'amour et de la séparation, celui des regrets humains. C'est aussi le chant de la steppe où poussent des hommes, et de leur reniement pour un monde plus moderne, qui brille de loin, mais si peu humain. Ganga-Hala, le beau cheval noir, qui porte toute la steppe en lui, saura-t-il faire revivre le cœur sauvage de son enfant égaré?

"A ce moment-là, de la profondeur de l'univers, des sons légers flottaient vers nous. Ils s'approchaient, mais difficiles à saisir, comme s'ils transmettaient un message inquiétant dans l'air dense au-dessus de la steppe. A peine les eus-je distingués qu'ils déferlèrent avec l'impétuosité d'un raz de marée ou d'une avalanche suivie d'une tempête grandiose. J'étais profondément attiré par ces sons. Mon beau cheval galopait en rythme. Ensuite, dans le préliminaire grandiose, tel un vent violent, s'écoula une mélodie merveilleuse et pathétique. Elle montait et descendait, tantôt excitante, tantôt apaisante, comme si elle racontait la vie immémoriale de la steppe.

Ces airs se succédaient sans fin, comme le mouvement des vagues; ils frappaient mon cœur. Scandés par le son des sabots et les pas cadencés de Ganga-Hala, ils transmettaient à l'immensité de la steppe nos états d'âme."

Un chant hoomi traditionnel mongol accompagné du morin khuur, un violon à tête de cheval


L'air des huit étalons, chant traditionnel mongol

jeudi 22 avril 2010

Earth Day s'adapte à la Chine

  
Greenpeace China, pour Earth Day, présente cette petite vidéo. Une curiosité culturelle.

China: Coal takes more than it gives from Greenpeace China on Vimeo.

Chien grillé pour le dîner, exploitation des enfants dans les mines... Voilà une vidéo qui ne se contente pas que de présenter un problème écologique.

Estampes japonaises

Toujours les belles expos interactives de la bnf. Cette fois-ci sur les estampes japonaises. Cliquer sur l'image.

Calligraphie

J'aime beaucoup les expositions de la bnf. En voici une très belle sur la calligraphie chinoise. Cliquer sur l'image.


mardi 20 avril 2010

Daruma - gardien des projets en cours

   
Les sourcils froncés, la bouche pincée sous une sévère moustache, le Daruma a tout sauf l'air de plaisanter. Ses yeux vides lui donnent l'air d'un fantôme, et participent à son aspect peu accueillant. La moustache en symétrie avec les sourcils formant un papillon, autant que sa forme de poupée russe n'y changent rien. Sur les étals à touristes, des centaines de Daruma en papier mâché attendent sévèrement l'acheteur, et une fois que l'on a compris sa fonction, c'est par dizaines qu'on a envie de l'acquérir.

La poupée représente en effet Bodidharma, le fondateur de la secte Zen. Ce qui explique ses traits sévères. Représentant la persévérance, c'est une tradition au Japon, lorsque l'on commence un projet, de dessiner un oeil dans l'espace blanc laissé à cet égard. La poupée aura un air un peu bizarre, mais le deuxième oeil devra attendre l'accomplissement du projet pour être enfin dessiné. Entre-temps, Daruma louchera, rappelant à son/sa propriétaire d'aller jusqu'au bout de ce qu'il/elle entreprend. J'adopte immédiatement! Mais à quel projet consacrer cette unique poupée?

Daruma a son temple, ici.

lundi 19 avril 2010

Mille grues de papier...

   
... et mousse au chocolat
 
Dernièrement, une amie japonaise a eu son anniversaire et je lui ai préparé ma mousse au chocolat noir maison. On ne peut résister à ma mousse au chocolat noir! Le secret, je sue sans et eau pour battre les œufs en neige sans fouet électrique :-)

L'amie en question m'a rapidement contactée pour me demander de lui en enseigner la confection et, comme il me restait une plaque de chocolat noir, je lui ai proposé de passer. Hier donc, elle arrive avec entre ses mains le récipient dans lequel je lui avais offert le dessert. A l'intérieur, des grues de papiers multicolores aux superbes motifs!

Nous avons fait la mousse, ce qui n'a pas pris beaucoup de temps. J'avais presque honte de la voir découvrir ainsi la terrible simplicité de son cadeau d'anniversaire! Une fois la mousse au réfrigérateur, et la table nettoyée, nous nous installons pour une tasse de thé bien méritée, le bras encore endolori d'avoir battu les blancs d'œuf en neige. Et voilà qu'elle glisse hors de son sac trois sachets contenant les superbes carrés de papier pour origami: le papier yuzen. Celui-ci est une spécialité de Kyoto, avec des motifs de Kimono. D'une main experte, elle se met à plier et en deux temps trois mouvements naît entre ses doigts une grue de papier. Je suis ses gestes, maladroitement. Tout papier normal aurait déjà cédé sous mes doigts balourds mais ce papier là est très résistant et après quelques corrections, je peux exhiber avec fierté une jolie grue de papier. 4 grues plus tard, je commence à avoir la main. Et à mémoriser les différentes étapes.

"Au Japon, ta famille et tes amis confectionneraient mille grues pour toi!" me dit-elle alors, faisant référence à ma cheville immobilisée, "c'est la tradition pour les malades." 

1000 grues! Et d'imaginer les familles se réunir autour d'une table basse et de tricoter de leurs doigts habiles mille grues tout en papotant joyeusement. Je les vois, ces mille grues, suspendues par des fils invisibles, envahir l'espace de la chambre du malade de leur gaité colorée.

Au Japon, la grue est un symbole important: elle représente la longévité et la santé. Celui qui a la patience de confectionner mille grues de papier se verra accorder un souhait par ses ancêtres. De même, cela porte bonheur au malade de recevoir mille grues de papier et, c'est sûr, les voir "voler" dans le ciel d'une chambre d'hôpital, gracieux oiseaux aux couleurs du printemps, doit certainement avoir un effet bénéfique sur le moral.

Mais aujourd'hui, la grue de papier est aussi devenue le symbole de la paix, depuis qu'une petite fille victime de la bombe atomique à Hiroshima, Sadako Sasaki, atteinte de leucémie, a confectionné plus de 1000 grues en origami, avec lesquelles elle fut enterrée. Sur sa tombe se dresse sa statue portant à bout de bras une grue de papier, symbole de paix mondiale.





Voici donc le résultat d'une après-midi entre amies :


Pour faire une grue en papier, c'est ici

dimanche 18 avril 2010

Cadeaux! Cadeaux! (tiré de l'ancien blog)

Depuis que je suis en Chine, c'est l'une des choses qui me surprend le plus. La tradition des cadeaux, que personnellement je maîtrise mal. A l'occasion de fêtes comme la fête des profs (grosse boite de café Nescafé), la journée des femmes (une écharpe rouge, une superbe tasse chinoise et du shampoing), la fête du double 9 (une grande valise pleine de gâteaux de lune), la fête du printemps (un noeud du bonheur géant) et maintenant la fête des bateaux dragons (un énorme panier garnis en osier), on nous couvre de petits cadeaux qui marquent les dates importantes. Toujours offerts dans de somptueux emballages, car l'apparence de l'emballage compte presque plus que le contenu. Et fait monter le prix. Mais il faut avouer que je me suis souvent extasiée devant la beauté des emballages!

 Dans le panier, du thé, des oeufs de canards, des zongzi, un sachet de menthe et un petit porte-bonheur

Les cadeaux eux-mêmes, sont parfois surprenants. Si nous-même ne penserions pas forcément à offrir du Nescafé, il est compréhensible qu'en Chine ce café soit considéré comme un beau cadeau. En revanche, il est étonnant de se voir offrir de l'huile de friture ou une dizaine de rouleaux de papiers toilette: il y a un côté logique bien sûr, tout le monde s'en sert donc le cadeau est fort utile.

Là-dessus, il faut également mentionner les cadeaux monétaires: le tabou des cadeaux d'argent n'est pas le même en Chine: si un ami m'a raconté avoir un jour commis une grosse erreur et vexé une jeune chinoise, à qui il avait montré une pièce de 10 ct d'euro, pour l'exotisme, qu'il lui a ensuite proposé de garder comme souvenir, sans penser à mal, il est en revanche normal, pendant les fêtes, d'offrir de l'argent. Les chinois ont des enveloppes rouges, spéciales, pour cela. On offre l'enveloppe et elle revient avec de l'argent. Ceci pour le Nouvel An, les mariages....

Quant au niveau professionnel, il n'est pas toujours facile d'interpréter les "bonus" pour avoir bien travaillé (un peu comme le treizième salaire à la fin de l'année mais marqué comme bonus d'encouragement) ou les "surprises" monétaires après avoir travaillé des heures supplémentaires.

C'est déroutant. Très déroutant. Déjà de faire la part des choses, entre cadeaux acceptables et cadeaux avec un objectif derrière ("Promis, ce n'est pas une tentative de corruption, s'était exclamé un élève en m'offrant un tableau avec mon nom en chinois ancien dessus).

Il y a aussi cette sensation de recevoir beaucoup et de ne jamais offrir de cadeaux (quand, à quelle occasion, à qui? Cela se fait-il de faire un cadeau à son employeur, aux élèves?)


Quelques cadeaux réunis: on peut voir que la couleur rouge domine, couleur des fête, du luxe et du bonheur, alliée au doré.

samedi 17 avril 2010

"Kekexili" - la patrouile sauvage de LU Chuan

   
Un western écolo d'une rare violence dans les espaces infinis du plateau tibétain

Sur les hauts-plateaux tibétains, dans la réserve de Kekexili qui abrite la précieuse antilope du Tibet, les braconniers sévissent. Poussés par la misère, ce sont des familles entières qui participent au massacre. Pour protéger ce rare trésor, des villageois volontaires s'organisent en patrouilles et poursuivent les chasseurs dans une nature vaste et dramatique, des étendues sauvages d'une beauté rare, et qui ne pardonnent pas. Et la patrouille se voit bientôt traquée par des hommes sans pitié, prêts à tout pour le gain. Un jeune journaliste de Pékin les suit dans cette équipée mortelle. Grâce à son reportage, la région sera classée Réserve Naturelle et l'antilope pourra survivre. Mais à quel prix!

Lu Chuan est un jeune cinéaste chinois, originaire du Xinjiang. Dans Kekexili, il s'inspire d'une histoire vraie pour montrer le combat héroïque d'hommes simples prêts à mettre leur vie en jeu pour lutter contre la destruction de leur environnement en poursuivant les braconniers de l'antilope du Tibet. Ce western tibétain, d'une rare violence, plonge le spectateur dans des paysages à couper le souffle tout en l'emportant dans une aventure dangereuse, cruelle, où la force des âmes s'expose. Impossible de ne pas se laisser emporter, le coeur battant, dans cette cavale à bord de 4x4 fonçant dans la poussière des pistes désertiques. 

En Chine, il n'est pas rare de voir sur le marché des trophées d'espèces menacées: que ce soit la patte de grand félin vendue sur un étal sur un trottoir de Shanghai, les peaux vendues dans les échoppes touristiques de la ville de Lijiang ou dans le coin d'un ruelle du quartier musulman de Xi'an, les défenses d'éléphant dans les magasins de luxe de Hong Kong. Voilà un commerce fort lucratif, peu contrôlé et qui encourage les pratiques violentes des braconniers. Ce petit film qui n'a soulevé que peu d'intérêt en occident est d'autant plus important qu'il dénonce une pratique criminelle peu réprimée.

Le Kekexili est une réserve naturelle dans la préfecture de Yushu, dans le Qinghai. Faisant partie du Kham, elle est essentiellement habitée par les tibétains khampas. C'est dans le chef-lieu de Yushu qu'a eu lieu le tremblement de terre de mercredi matin, qui a fait 600 victimes et des milliers de blessés.


vendredi 16 avril 2010

Le "Fromage à dos de cheval" de Mongolie intérieure


Petit cadeau d'une amie revenue du pays des chevaux, la Mongolie intérieure, ces étranges bonbons à base de lait (caillé?) et de sucre. C'est un peu acide, ça fait penser à du Sugus mais en plus... farineux peut-être et ça porte l'étrange nom de "Horseback cheese" ou fromage à dos de cheval.

Le goût? Exotique, je suppose. Intéressant dirons-nous. Pour sûr, c'est une curiosité.

Petits cours de littérature française pour apprenants chinois

   
"Il faut courir le mauvais, et se rassoir au bon" - Montaigne

Aujourd'hui plein soleil. Et il fait chaud. On aurait de la peine à croire que le paysage avait revêtu les frimas de l'hiver la veille. Les machines du chantier rythment la vie. Diane debout, mes élèves arrivent pour le cours de huit heure. Café. L'école enfantine à côté joue le morceau de l'accueil des élèves: rythme gai et légèrement martial pour enfants dynamiques et plein d'entrain! Toujours le même morceau à la même heure. Je peux les imaginer arriver. Les parents aguillent leur petit sur le porte-bagage de leur vélo qu'ils poussent en marchant à côté, certains zigzaguent entre les nombreux couples père-enfant, mère-enfant et plus souvent, grand-parent-enfant. De grosses voitures se frayent un passage dans la foule pour déposer l'enfant adoré devant le portail. La même scène tous les jours, en Chine comme ailleurs. Mais ici, en musique. Et les parents restent en-dehors des limites de l'école.

Dans cette foule de têtes noiraude marchent mes élèves. Ils viennent à domicile ce mois, par petits groupes de 7 et envahissent mon petit salon. Tableau blanc posé sur le dossier du canapé, chaises et tabourets autour de la table à thé, quelques élèves assis sur le meuble tv et la prof vautrée dans le canapé, jambe surélevée sur des coussins: interdiction de la poser par terre! C'est le système D, mais ça marche! Et le fait d'avoir de petits groupes rend l'enseignement plus personnalisé. Ceux qui se cachaient des questions sont obligés de participer. Chacun a un temps de parole plus long, et moins de crainte de s'exprimer. Ça compense le déplacement.

8h00. C'est l'heure de commencer. Un élève manque, il viendra peut-être avec le deuxième groupe. Ils ont un peu tendance à décider sans me consulter de ce genre de changement, mais je ne vais pas en faire toute une histoire aujourd'hui: c'est mon cours préféré, celui il m'est donné de partager ma passion pour la littérature et de donner envie à mes élèves d'en savoir plus, de découvrir la plus belle des richesses culturelle de la France. Mon rêve: enseigner la langue à travers l'art et la culture, faire des liens entre les mouvements littéraires, musicaux et artistiques, pour toute l'Europe. Je dois me contenter d'enseigner les grandes lignes de l'histoire littéraire: 15 cours pour parler de tous les mouvements et auteurs importants du Moyen-Âge au XXème siècle! Mais ça ne se fera pas sans passion!

Et, bonheur suprême, mes élèves répondent positivement au cours: ils se montrent enthousiastes, curieux, réactifs! C'est un régal! Une semaine après avoir étudié Rabelais, je les entends rire encore: oui! Rabelais fait toujours rire! Il fait rire des étudiants chinois du XXIème siècle! Je les vois froncer les sourcils et s'étonner de la modernité de Montaigne! Je les vois s'enthousiasmer pour l'étrange scepticisme de Descartes (oui! ils se passionnent pour Descartes! Et ils ont raison! J'adorerais d'ailleurs les voir devenir un tout petit peu plus cartésiens dans leur travail...),  je les vois attraper le vertige des angoisses pascaliennes!

Voilà trois cours déjà que les humanistes nous le répètent: profitons de chaque instant de la vie. Prolongeons les plus agréables! Ces cours de littérature sont certainement de ces instants que je veux prolonger. Tout devient si vite souvenir, mais parmi ces souvenirs, il est des trésors que je vais longtemps chérir.

Photo prise sous wikimedia

jeudi 15 avril 2010

Humeurs


Nous sommes le 14 avril et la neige recouvres les toits et les arbres. Ca explique pourquoi j'ai tremblé de froid sous ma couette toute la nuit. Après tout, le chauffage a été coupé il y a un mois. Ah, giboulées!

Ca fait aussi exactement deux semaine que je n'ai plus quitté mon appartement. Ma cheville ne guérissant pas bien, je ne bouge plus. Mes élèves viennent recevoir mon enseignement à domicile. Bon, avec le temps qu'il fait dehors, je ne peux pas dire que mon retrait au fond de mon appartement me pèse autant qu'il le ferait s'il faisait beau, mais un besoin fou de me dégourdir me rend fébrile. A cela s'ajoute l'inquiétude de ne pas  guérir, l'angoisse de la recherche d'un emploi qui me satisfasse plus que le poste que j'occupe, et la question cruciale: où aller? Ah, ce beau verbe partir!

Les offre d'emploi le suggèrent clairement, il y a bien des chances que je reste  en Chine l'année prochaine. Mais mon cœur balance. Il y a la fatigue, le ras-le-bol de la Chine après trois ans, et en même temps ce vague à l'âme de celle qui, si elle partait, laisserait derrière elle une grande partie d'elle-même. L'envie de nouvelles découvertes qui s'oppose au  sentiment de ne pas avoir fini de découvrir ce pays là. Le rêve de randonnées dans la nature sauvage, sans risquer une crise d'agoraphobie, sans escaliers, sans structures de bétons, celui de vivre dans un lieu où le silence est d'or, où les travaux ne vous font pas bondir hors du lit à 5h00 du mat. Opposé à celui de se rapprocher des chinois, de continuer à découvrir la langue, et surtout l'écriture, de s'initier aux arts, à la cuisine. D'apprendre plein de choses et de continuer à flâner dans les bazars plein de trésors.

Seule certitude, le fait que je ne veux absolument pas retourner au pays pour y vivre, même si je m'offrirais très volontiers quelques vacances, histoire de bien guérir, au bord de mon très cher lac Léman. Je ne sais pas pourquoi. Je viens d'une région superbe, des espaces sauvages, des randonnées, j'en aurais à profusion! Mais quand j'ai le mal du pays, ce n'est pas la Suisse, mais bien l'Europe qui me manque. Il n'est apparemment pas encore temps de rentrer.

Tout cela pour en venir au fait que depuis quelques jours, je n'écris plus de billets sur ce blog. L'humeur n'y est pas. Elle reviendra.

dimanche 11 avril 2010

红豆少 - Hong Dou Shao

  
Une gâterie venue du fond des âges

"Chouette! Un escargot!" Dans les boulangeries chinoises, on rencontre parfois des viennoiseries qui correspondent à nos quelques repères européens déboussolés. L'escargot est un classique. Mais pas de pâte de noisette ici, la pâte brune qui se cache dans les méandres du pain a un petit goût de châtaigne. Plus sèche et plus épaisse que la crème de châtaigne, cependant: c'est la pâte de haricots rouges. Une variante noire avec un goût légèrement différent: l'escargot à la pâte de sésame noir.

Dans l'escargot, il y en a peu. Ce n'est pas le cas avec le fameux Yue Bing (月饼) ou gâteau de la lune dont les plus classiques sont fourrés de pâte de haricots rouges, de pâte de thé vert ou de pâte de sésame noir (mais il y a aussi ceux fourrés de viande, ou avec un œuf dur au centre), ou encore avec les petits gâteaux de l'après-midi que l'on déguste avec du thé. Un jour, dans un super marché, je sautais sur un paquet de rouleaux de printemps surgelés. Ah! Cuisine facile et bonne pour les jours de paresse! Ça sera parfait avec ma sauce piquante thaï! Oui, mais... Les rouleaux étaient sucrés, car fourrés à la pâte de haricots rouges. Depuis, je sais lire 红豆少. Dans le domaines des sorbets, c'est aussi un classique, avec cette étrange dessert il faut admettre peu appétissant d'aspect, et franchement totalement étouffe-bougre: la crème glacée aux haricots rouges ou 红豆牛奶冰 (hong dou niu nai bing).

Déguster la pâte de haricots rouges, c'est découvrir un goût trois fois millénaire! Ça donne le vertige! Non? La spécialité s'est ensuite répandue au Japon où elle reste un classique. Ainsi, mes papilles gustatives ont connu un orgasme au contact de cette spécialité kyotoïte (du moins c'est ce que disent les kyotoïtes et que je retrouve en photo sur le net (cliquer sur la photo pour suivre le lien): un mochi à la pâte de haricots rouge avec au centre une fraise fraîche et mûre! Absolument divin! Mais je dois avouer que j'ai failli perdre la boule, à Osaka, en me perdant dans un immense magasin de mochi!

C'est d'ailleurs le nom japonais du haricot que l'on a gardé en français: haricot azuki. La raison doit en être pratique, en chinois le gros haricot rouge que l'on utilise dans la cuisine mexicaine est assez peu présent. Les chinois appellent donc ce haricot: haricot rouge 红豆 (hong dou). On peut néanmoins préciser: petit haricot rouge 小红豆 (xiao hong dou).

Recette de la pâte de haricots rouges.

samedi 10 avril 2010

Go à gogo!

      
Place des Mille Vents, les joueurs couverts de givre sont pareils aux bonshommes de neige. Une vapeur blanche s’échappe des nez et des bouches. Des aiguilles de glace, poussées sous le rebord de leurs toques, pointent vers la terre. Le ciel est de nacre, le soleil, cramoisi, tombe, tombe. Où se situe le tombeau du soleil ?
Quand l’endroit s’est-il transformé en lieu de rendez-vous des amateurs de go ? Je l’ignore. Les damiers gravés sur les tables de granit, après des milliers de parties, sont devenus visages, pensées, prières.
Shan Sa, La joueuse de Go

Qui, mieux que Shan Sa, décrit mieux la passion des chinois pour le jeu de go? On les voit frissonner sous le crépuscule et le froid, ces joueurs de go si concentrés sur leur jeu qu'ils en oublie leur  corps. Quel jeu peut-il donc aspirer ainsi l'esprit du joueur, au point d'en oublier tout confort, d'en oublier l'hiver, mais aussi la guerre et ses horreurs?

Le jeu de go (围棋 - weiji) a beau extrêmement ancien - Confucius le mentionne dans ses entretiens - il garde aujourd'hui une très forte popularité non seulement en Chine, mais également au Japon. Ainsi, il n'est pas rare de voir, aguillé sur des cartons ou de tremblants tabourets devant les échoppes chinoises, ou dans les parcs, se dérouler une partie sous les regards experts des voisins, amis et passants. A le voir ainsi dans la rue, on en oublierait la noblesse de ses origines. Mais les japonais s'en souviennent, qui continuent de le considérer comme le plus noble des jeux. Ainsi, le jeu de go aurait des origines divines.

Dragon noir contre dragon blanc - le choc des titans
   
Les dragons ont beau être de bien nobles créatures, ils se disputent aussi. Et pour des choses aussi futiles que de savoir qui est le plus puissant. Et oui! C'est donc ce qui arriva au dragon blanc et au dragon noir. Mais il faut le reconnaître cela: ils se disputèrent de façon fort symbolique. A travers le jeu. Et la partie dura très longtemps. Après tout, les dragons ont l'éternité devant eux. 

Le jeu de go était né, et si l'on en croit la peinture chinoise, il n'était pas réservé qu'aux seuls humains ordinaires. Ainsi l'on peut voir Guanyu - héros militaire des Trois Royaume qui sera ensuite divinisé - se livrer à une partie de go lors qu'il subissait une opération au bras.

La peinture chinoise ne manque pas de représentations de philosophes et  d'aristocrates pris dans une noble partie de go. A cela, la peinture japonaise fait bon écho. Peintures anciennes ou modernes, céramiques chinoises, calligraphie. Le jeu de go a largement sa place dans l'art. Ce site en fait une belle présentation.

Le jeu le plus représenté dans la littérature?
   
Qui n'a pas lu La joueuse de go de Shan Sa? Il est presque obligatoire dans le programme scolaire ou au lycée. Et c'est certain, la belle adolescente, géniale stratège du 
goban, ne s'est pas contentée d'emplir de larmes les yeux de ses lecteurs, elle a aussi insufflé un vent d'intérêt pour le go en France. Si le go est un prétexte, chez Shan Sa, il devient le sujet du Maître de go de Yasunari Kawabata. Moins connu, mais très présent dans la blogosphère littéraire, le maître de go allie la noblesse du jeu à une philosophie orientale intrinsèque du jeu qui lui donne toute sa valeur.

Mais il n'y a pas que les amoureux de la littérature qui apprécient le go sur les pages. Je me souviens d'un jour où, autour d'un café, j'écoutais un ami m'expliquer sa passion pour les mangas japonais. Avant Hayao Miyasaki j'avais toujours considéré les mangas comme de la sous-culture, si on pouvait utiliser le mot culture, et je considérais toujours Miyasaki comme l'exception. Mais je dois admettre que n'y connaissant rien, je fus très surprise d'apprendre que parmi les différentes catégories de mangas, il y avait le jeu de go. "Quoi! Mais comment peut-on raconter des aventures en BD autour du jeu de go?" En effet, le jeu de go, ce n'est pas du Michel Vaillant. Vous pouvez écrire pas mal d'aventures autour de casse-cous sur des circuits automobiles! Mais le jeu de go, c'est le culte de l'immobilisme et du silence! Même le tirage au sort se fait en silence! Tout se passe dans la tête. C’est pourtant le défi que relève le manga Hikaru no go. Et mon ami d'ajouter "Oui, et en plus  la série (une série!) a tellement de succès chez les jeunes qu'il y a maintenant un feuilleton animé et les jeunes japonais se sont aussi mis au go!" Sidérant. Il fallait que je voie ça. Et j'ai vu. La recette est finalement toujours la même: passion, sexe, violence et un brin de fantastique. De la violence dans le jeu de go? Il suffisait en fait de faire entrer le lecteur dans la tête des impassibles joueurs, là où les fantasmes cachés prennent un visage... bien moins zen.

La complexe simplicité d'un jeu de stratégie millénaire

Alors pourquoi ce succès? Pourquoi depuis bien avant notre ère, le go rencontre-t-il un tel succès, au point d'être considéré comme un des nobles arts qu'une personne accomplie doit maîtriser? Car les enfants qui apprennent à lire les connaissent par cœur, les quatre idéogrammes qui toujours se succèdent dans le même ordre des quatre arts chinois: la musique (qin 琴) , le jeu (de go ou weiqi)(qi 棋), la calligraphie (shu 書) et la peinture (hua 畫 ).

Le petit plateau aux pierres noires et blanches est pourtant le dénuement même. Toujours sobre, sa représentation dans l'art tient plus de la noblesse des joueurs que de son esthétique. A la simplicité du matériel répond la simplicité des règle. Il s’agit de poser ses pierres sur les intersections afin de contrôler le plus de territoire possible. Mais les possibilités sont infinies. Et le hasard est totalement absent du jeu. Seul l’esprit compte. Et c’est là que le jeu de go puise toute sa noblesse : l’esprit le plus fin gagnera. La concentration qu’il faut investir dans le jeu est telle, que l’on peut comprendre l’indifférence au froid des joueurs de la Place du Vent. Superbe parabole du joueur de go.

Un jour j’étais tombée, dans le bric-à-brac d’un petit magasin, sur 4 figurines adorablement chinoises représentant les quatre arts. Le joueur joue bien sûr au go. Et se gratte la tête, pris dans sa profonde réflexion



vendredi 9 avril 2010

Ca y est! Je m'y suis mise!

   
J'ai cuisiné un plat chinois!

S'il y a un légume que l'on ne verra jamais dans ma ratatouille, c'est bien l'aubergine. Sa belle couleur prometteuse perd en présentation une fois qu'elle est cuite et son goût trop... terreux? ne me convenait pas du tout. Bref, il ne me serai jamais venu à l'idée d'acheter une aubergine et autant que je le sache, on en consomme pas beaucoup dans ma famille non plus.

Mais c'est lui faire injustice. L'aubergine est un très bon légume! On ne sait simplement pas bien le cuisiner... (Ce "on" est inclusif: il concerne tous ceux qui n'aiment pas les aubergines!) Il m'a donc fallu aller jusqu'en Chine pour découvrir l'aubergine (et le tofu... comme exposé dans un précédent billet). La grande spécialité d'aubergines chinoises ? Le Yu Xiang Jie Zi (鱼香茄子)- l'aubergine façon "queue de poisson". Du Sichuan, bien sûr.

Pour cette recette, j'ai choisi les aubergines rondes de Chine. Certains les trouvent différentes, je n'y ai franchement pas trouvé de grande différence de goût, en revanche il y a plus de pulpe.

Pour deux personnes il faut:

2 aubergines
2 cuillères à soupe d'huile
4 cuillères à soupe de sauce de soja
2 cuillères à soupe de vinaigre de riz
Un peu d'eau
2 cuillères à soupe de sucre
1 cuillère à soupe de piment rouge frais (j'en mets un peu plus mais j'ai vécu deux ans à Chongqing, forcémment...)
2 cuillères à café de gingembre frais
De l'ail frais émincé (j'aime en mettre beaucoup, 4 gousses donc. C'est selon les goûts)
De la ciboule fraîche émincée
Dans un wok (ou une grande poêle) faire revenir l'aubergine dans l'huile, ajouter un peu d'eau et la faire cuire jusqu'à ce qu'elle soit bien molle. La mettre de côté.

Dans la même poêle, faire revenir l'ail et le gingembre. Ne pas laisser brunir. Ajouter l'aubergine et tous les autres ingrédients, laisser épaissir à feu doux. Servir avec du riz.



Parfois, les restaurateurs ajoutent de la viande hachée. Il est également possible de ne pas mettre de piment. Les chinois utilisent aussi beaucoup le mono-sodium glutamate, ce qui, c'est certain, exhausse le goût (c'est son job, après tout). Mais franchement, on s'en passe très volontiers.

C'est drôle comment le voyage apporte différents trésors, parfois vraiment inattendus. Allez. réconcilions-nous avec l'aubergine!

Une vidéo de la recette en musique pour les débutants sinophones (pour lire les titres) et les non sinophones (car on se débrouille sans les titres). A noter que la recette est un peu différente, et beaucoup plus huileuse. Là aussi, c'est une question de goût. Quant à éplucher ou non l'aubergine, personnellement je trouve que laisser la peau donne une touche de couleur. Et en anglais.

A ajouter que ce n'est pas ma photo, mais promis, la prochaine fois je prends ma propre photo et remplace celle-ci.

mercredi 7 avril 2010

En Chine on cache tout...

   
... sauf l'essentiel!

Si il y a une chose qui fait écarquiller les yeux des occidentaux de passage, ce sont les barboteuses chinoises. Bébé est habillé, mais son pantalon est fendu, ouvert, laissant la seule partie que l'on veut vraiment cacher en Europe à l'air! Pour sûr, en Chine on connaît le sexe des bébés, pas besoin de tenir des dialogues genre: "Oh! Qu'il est mignon! C'est une fille ou un garçon?"
On est fixé au premier coup d'œil.

Le même voyageur peu renseigné des usages chinois restera pantois en découvrant la raison, pourtant logique, de cette béante ouverture: le bébé chinois se soulage, dès qu'il en a besoin, là où il se trouve. C'est à dire, pour certains qui font attention, dans le caniveau ou près d'un arbre. Pour beaucoup, au milieu du trottoir. Remarquons tout de même que sur nos trottoirs à nous, ce sont les chiens qui font cet office. Je trouve parfois très étrange la réaction excessivement dégoûtée de certains occidentaux découvrant cette habitude chinoise, alors qu'ils s'outreraient moins d'un chien qui tague le trottoir. Question d'habitude?

Crédit photo: Liubov Alexandrovna Balobanova

mardi 6 avril 2010

Air pur et Lumière - aujourd'hui c'est Qing Ming

 
"Aujourd'hui c'est la fête des morts QingMingJie (清明節)" s'était écriée une étudiante. J'en avais écarquillé les yeux! "Quoi? Vous fêtez les morts au printemps! Mais le printemps c'est le symbole de la vie, de la jeunesse, des naissances!" Fêter les morts en automne, à l'ouverture du maussade mois de novembre me semblait vraiment beaucoup plus logique. (Mais depuis 3 ans que je suis en Chine, je trébuche beaucoup sur le mot logique. De toute évidence, la logique est le domaine dans lequel je reste très ethnocentrique).

"Et qu'allez-vous donc faire pour QingMing?" était la question logique. "Rien." "On va se promener dans la campagne avec ma famille." "On va manger des crêpes." "Il faut nettoyer les tombes."

Mes étudiants ne suivent bien sûr pas tous la tradition. Et beaucoup sont loin de leur famille. Mais la journée reste assez importante pour être un congé national. Normalement, les familles se rendent près des tombes pour les nettoyer et pour brûler du faux papier monnaie dans le petit four proche de la tombe. Ceci, pour les tombes les plus traditionnelles. Mais aujourd'hui, le gouvernement encourage fortement la crémation. Avec une population aussi dense, ça se conçoit. Les tombes sont donc l'apanage des riches, ou des gens de la campagne. 

La fête offre néanmoins l'occasion de se balader dans la nature, pour le plaisir, si ce n'est pour rendre visite à ses aïeux, au moment où celle-ci resplendit le plus. Et il faut l'admettre, cette année est splendide. Cela fait deux week-end de suite que le soleil est au rendez-vous. Et les cerisiers sont en fleur. Sublime!

Il y a tout de même quelques signes des célébrations de Qing Ming. Premièrement, les commerçants ne perdent jamais le nord et donc au lieu de fruits, l'on vend à tous les coins de rue des monnaies de papier à brûler pour les morts. Ensuite, les entrepreneurs de pompes funèbres s'affichent, eux aussi. Ainsi, au coin de ma rue est apparue un stand promouvant un nouveau cimetière idyllique là où d'habitude, de la même manière, l'on promeut de nouveaux lotissements. Même pub, clientèle différente.

Ensuite, on peut voir, le soir, aux carrefours, des familles brûler les fameux papiers-monnaies pour les morts. Car en Chine, on ne prend pas le risque d'être à court de monnaie dans l'autre monde, qui semble-t-il partage les valeurs capitalistes du nôtre.

Et finalement, il y a les fameuses crêpes (runbing 潤餅), qui sont à l'origine des rouleaux de printemps. Ça tombe bien, sans y penser, je me suis faite des tortillas à midi. En quelque sorte, j'ai respecté la tradition. Mais voici pour les sinologues et surtout, sinophones, la recette en vidéo. Il n'y a pas besoin d'avoir un niveau très élevé pour comprendre (la preuve c'est que je comprends), mais il faut quelques bases quand même. A signaler tout de même que normalement, la recette doit se faire à froid, puisqu'il était prohibé d'allumer un feu pendant cette période.

Pour en savoir plus sur Qing Ming et ses origines, l'article de wikipedia est très complet.

lundi 5 avril 2010

Les dentelles de papier...

 
... de Lu Xue

Loin des artistes contemporains, il y a les artistes traditionnels. Et parmi ces artistes, il y a Lu Xue, aux doigts de fée. Elle perpétue l'art des découpages en papier.

Le plus ancien découpage de papier trouvé date du 6ème siècle. Généralement,le papier est rouge, parfois noir. Mais il se décline aujourd'hui sur toute la palette, même si le rouge traditionnel continue de dominer. Il n'est pas difficile d'acquérir comme souvenir un découpage typiquement chinois et l'un des plus beaux cadeaux qui m'ait été fait est un livret sur Chongqing qui présente ses diverses caractéristiques sous forme de découpages en papier. Superbe!

Dans le domaine, Lu Xue est une référence internationale. Il faut dire que sous ses doigts habiles, tout y passe! Mœurs et vie quotidienne, paysages, nature, classiques de la littérature chinoise, actualité, contes de fée d'Anderson, fleurs bien sûr... Autant de livres illustrés par les précieux découpages, placés sous le film transparent, à manipuler avec la plus grande délicatesse!

Voici une petite sélection:


Le site en chinois présente des photos. En anglais, il reste incomplet.

De son côté, une autre artiste au doigts magiques, Wang Yufen, avait créé, pour les jeux olympique de Beijing, le plus long découpage du monde: "100 dragons accueillent les Jeux Olympiques à Beijing". Et il y a bel et bien cent dragons chinois, tout en finesse, dans le découpage. Et sans un pli, s'il-vous-plaît!


Source ici

dimanche 4 avril 2010

Dix minutes de déconne dans la cité de Calvin

   
Y'a pas qu'en Chine qu'on aime les batailles de rue! Deux vidéos, à mettre en parallèle.


Et à Chongqing, pour noël et Nouvel An, les jeunes ont une façon très particulière de fêter cet évènement si peu chinois, mais fournissant un si bon prétexte de faire la fête:


A Genève avec des oreillers, à Chongqing avec des massues gonflables! Que de la bonne humeur!

samedi 3 avril 2010

Ce printemps, elle sera la plus belle...

   
... la jeune mariée, aux fleurs de cerisiers!

Rares sont les jeunes couples chinois qui se marient encore de manière traditionnelle. Le rêve de la belle robe blanche au long voile transparent s'est largement répandu en Asie. Les fiancés adoptent donc le costume occidental, et même parfois l'église occidentale, comme j'ai pu le constater au Japon! J'avais été très étonnée de découvrir, dans la banlieue de Kyoto, un grand nombre de petites églises. "Ils sont tous chrétiens, ici?", avais-je naïvement demandé. Non. Ce ne sont pas des églises. Ce sont des entreprises matrimoniales, de fausses églises pour se marier à l'occidentale! Ça vaut la peine, à ce  sujet, de jeter un œil sur cette curiosité: Tokyo Bay Wedding Village.

En Chine, on ne va pas jusque là. C'est surtout le costume qui compte. Mais là où ça devient curieux, c'est les belles journées de printemps, lorsque les arbres sont en fleur dans les parcs. On peut alors voir une file de mariées investir les lieux, attendre leur tour devant le plus bel arbre fleuri, poser dans les plus beaux cadres, accompagnées de beaux princes charmants, bien sûr, du photographe évidemment, et de la maquilleuse qui va donner un coup de spray à la chevelure, remettre un peu de fard, s'activer pour que la mariée, et surtout la photo, soit parfaite!

Mais se marient-ils vraiment? Tous en même temps? A la chaîne? Non. Le mariage aura lieu cette année, certes, mais la séance photo est trop importante pour risquer de la faire un jour pluvieux. Ainsi, là où dans la tradition occidentale le jeune époux n'a absolument pas le droit de voir la mariée avant sa spectaculaire entrée dans l'église au bras de son père, en Chine le fiancé a bien le  temps de l'admirer lors de la séance du printemps, de la voir s'ennuyer aussi... et de la comparer avec toutes les autres mariées qui attendent leur tour. Mais peut-être que le jour dit, elle rayonnera en costume traditionnel...


jeudi 1 avril 2010

Délices de viandes végétariens...



   
... dignes d'un exigeant fils du ciel

Le tofu pour remplacer la viande? Ça se voit souvent en Europe mais je n'irai pas jusqu'à dire que je trouve ça concluant. Les ersatz genre viande hachée Cornatur pour bolognaise végétarienne ou  cordons bleus de tofu pané ne m'ont franchement jamais convaincue.

En Chine, le végétarisme n'est pas appréhendé de la même manière qu'en Europe. Premièrement, il était forcé pendant très longtemps. La  viande étant un produit de luxe, elle ne faisait tout simplement pas partie du régime. Avec le développement économique, et l'enrichissement de la classe moyenne, la consommation de viande a explosé: il faut imaginer le désir qu'il y a derrière la viande, inaccessible et symbole d'aisance! Du coup, les chinois ont souvent de la  difficulté à comprendre le choix du végétarisme. Pour eux, la seule raison d'être végétarien, c'est la religion. Ne pas être religieux et être végétarien est une chose incroyable! Essayez d'aborder le sujet de la santé, et on vous répondra qu'il faut manger de la viande pour être bien portant. Ne tentons même pas de parler du respect des animaux, cette notion-là est à des années lumières de l'esprit de beaucoup de chinois. Non pas que les gens n'aiment pas les animaux. Simplement, l'animal, ici, est instrumentalisé. Bon à manger. Ou bon  jouet pour les enfants. Ou bien accessoire mignon pour portemonnaie bien fourni.

Le végétarisme est donc surtout lié à la religion, les temples offrant d'excellents restaurants végétariens. Mais n'est pas végétarien qui veut, et de nombreux moines  avaient autant de difficulté à se passer de viande qu'un fumeur forcé de s'arrêter a de la difficulté à se passer de sa  clope. Ainsi, certains se faufilaient hors des murs pour aller consommer en cachette un bon plat carnivore. On en connaît qui font de même avec le chocolat, planqué dans les tiroirs! C'est ainsi qu'est née la cuisine à base de viande végétarienne! Afin de déshabituer les jeunes moines récalcitrants à l'idée du renoncement végétarien, on prépare des plats qui imitent les plats de viandes, à base de tofu, de champignons,  d'arômes de toutes sortes. Et ça n'a rien à voir avec de bêtes ersatz! C'est tout simplement divin!

Ainsi à Pékin et Shanghai, les restaurants végétariens où l'on imite la viande sont très à la mode, et le prix bien sûr, très élevé. Et il y en a un à Xi'an! Près de la grand pagode de l'oie (Da Yen Ta), le  très pompeux 天龙宝严, prononcer Tian Long Bao Yan  ce qui veut dire "Trésor du Dragon strict du Ciel" - à moins que ce ne soit le ciel, ou le trésor, qui soit strict, sévère, sérieux, austère... qu'importe, c'est un dragon qui vient du ciel et qui ne rigole pas - ne cache en aucun cas ses airs de resto chic et select! On a envie de baisser la tête sous le strict regard jeté sur le client depuis le grand portrait haut placé.

Je n'irai pas jusqu'à dire que j'avais des doutes sur la qualité de l'imitation, car depuis que je suis en Chine, je mange beaucoup de ce tofu que je considère en Europe comme réservé aux végétariens. Il faut dire qu'ici, le tofu se décline sous une palette de variations infinie et est cuisiné avec une finesse incroyable. Bref, c'est un plaisir de s'en régaler. Je me réjouissais donc de voir à quoi ressemble le fameux "trésor de l'austère dragon ..." Et bien j'en suis restée sans voix. Normal, j'avais la bouche pleine! Pleine de délicieux mets variés, fins, surprenants. Pleine de me pourlécher les babines, les doigts, l'assiette (en vérifiant que personne ne regardait). Bref, c'était succulent! De la bonne cuisine chinoise comme je l'adore! Avec pour la fin, un gâteau fourré à la crème de haricots rouges! Divin! Comme le vénérablement strict, austère, sérieux dragon du ciel!

天龙宝严素食馆. Adresse: 西安市慈恩西路1号
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