Le chant de la vie et des regrets humains qu'entonnent les hommes des steppes mongoles
Ce sentiment qui s'accumule et reste enfoui au fond du cœur des cavaliers depuis si longtemps commence maintenant à monter dans le silence. Il hésite encore, souffle timide, à jaillir en une mélodie, à se transformer en une saveur, qui ne trouvera jamais d'achèvement dans son expression, mais qui reste simple, pure et primitive. Une âme particulière s'éveille, qui, en elle-même, n'a pas de voix. Dotée cependant d'un sens inné de la musique, elle contient des rythmes lents, des tonalités basses, une mélodie qui s'écoule dans le cercle de la vie. Elle comprend aussi des couleurs, bleues ou vertes. Ces cavaliers ,qui sont restés trop longtemps dans le silence, sans en deviner la raison, stimulés peut-être par cette âme qui les assaillit, se mettent à chanter (...)
Zhang Chengzi, "Mon beau cheval noir"
C'est par la naissance d'un chant dans le silence de la steppe, né des entrailles d'un cavalier solitaire, que commence le prologue de "Mon beau cheval noir". Et c'est par un chant qu'il se clôt. "Mon beau cheval noir" est un chant. Il fait partie de ces nombreuses chansons immémoriales sur les chevaux. C'est un chant simple et rude, naïf dans sa simplicité mais qui fascine par sa mélancolie le jeune Baiyinbaolige - au point qu'il en donne le nom, Ganga-Hala, à son splendide poulain noir - et le hantera toute sa vie sans qu'il en comprenne vraiment le sens. Jusqu'au jour où il vivra lui-même ce chant, emmené par Ganga-Hala.
Chaque chapitre du roman est un vers de la chanson. Un chant immémorial, et moderne en même temps. Celui des espoirs déçus, celui de l'amour et de la séparation, celui des regrets humains. C'est aussi le chant de la steppe où poussent des hommes, et de leur reniement pour un monde plus moderne, qui brille de loin, mais si peu humain. Ganga-Hala, le beau cheval noir, qui porte toute la steppe en lui, saura-t-il faire revivre le cœur sauvage de son enfant égaré?
"A ce moment-là, de la profondeur de l'univers, des sons légers flottaient vers nous. Ils s'approchaient, mais difficiles à saisir, comme s'ils transmettaient un message inquiétant dans l'air dense au-dessus de la steppe. A peine les eus-je distingués qu'ils déferlèrent avec l'impétuosité d'un raz de marée ou d'une avalanche suivie d'une tempête grandiose. J'étais profondément attiré par ces sons. Mon beau cheval galopait en rythme. Ensuite, dans le préliminaire grandiose, tel un vent violent, s'écoula une mélodie merveilleuse et pathétique. Elle montait et descendait, tantôt excitante, tantôt apaisante, comme si elle racontait la vie immémoriale de la steppe.
Ces airs se succédaient sans fin, comme le mouvement des vagues; ils frappaient mon cœur. Scandés par le son des sabots et les pas cadencés de Ganga-Hala, ils transmettaient à l'immensité de la steppe nos états d'âme."
Un chant hoomi traditionnel mongol accompagné du morin khuur, un violon à tête de cheval
L'air des huit étalons, chant traditionnel mongol
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