Petites histoires de gens ordinaires
L'écrivain reçoit le vendeur de sang. Chaque semaine. Il est pauvre, son ami est riche. L'écrivain est frustré. Il travaille à la solde du Parti et il doit écrire la biographie d'un héros martyre de la révolution. Il pourra ainsi figurer dans le prestigieux dictionnaires de grands auteurs, rêve de tout écrivain. Mais ce n'est pas sur les héros, que l'écrivain veut écrire. Lui, il veut raconter les gens, les vrais, ceux qui vivent autour de lui, qu'il rencontre dans la rue, qui ne sont pas héroïques. Il veut raconter la vraie vie, les vrais gens. L'actrice, et son incroyable suicide au tigre. Le croque-mort, et comment il se débarrassa de sa mère. La femme d'affaire. Tous ordinaires. Tous naturellement cruels.
Nouilles chinoises est plutôt un recueil de nouvelles qu'un roman. Rédigé sous la forme d'un dialogue entre le vendeur de sang et l'écrivain, il partage des réflexions amères sur la Chine des années 1990, ses valeurs, la cruauté des gens tout en racontant, dans chaque chapitre, un personnage, une histoire du quartier. Nouilles chinoises a ce petit côté burlesque, comique et tellement tragique que l'auteur maîtrise si bien. Il passe de l'autre côté du décors, se glisse sous la façade, fait tomber les masques.
Je reprends la citation de ce très bon article, car elle explique si bien les étranges contradictions chinoises. Cette fierté susceptible et mal assurée, et ce perpétuel sentiment d'humiliation que l'on rencontre fréquemment ici.
"Nous avons grandi dans un vide spirituel, coupés du reste du monde. Une génération perdue. Quand le pays a commencé à s’ouvrir, nous avons été les premiers à tomber. La culture étrangère est la seule religion maintenant, mais nous n’avons aucun moyen de la comprendre, ou d’apprécier sa valeur. Un demi-siècle a passé et soudain nous nous retrouvons dans la forêt de la vie moderne sans carte ni boussole. Comment une société abrutie par la dictature peut-elle trouver son chemin dans le monde moderne ? Nous sommes incapables de penser par nous-mêmes, nous n’avons pas de points de repère, nous sommes égarés, nous avons perdu pied. Nous affichons une arrogance superficielle pour cacher la piètre estime que nous avons de nous-mêmes."
Je reprends la citation de ce très bon article, car elle explique si bien les étranges contradictions chinoises. Cette fierté susceptible et mal assurée, et ce perpétuel sentiment d'humiliation que l'on rencontre fréquemment ici.
"Nous avons grandi dans un vide spirituel, coupés du reste du monde. Une génération perdue. Quand le pays a commencé à s’ouvrir, nous avons été les premiers à tomber. La culture étrangère est la seule religion maintenant, mais nous n’avons aucun moyen de la comprendre, ou d’apprécier sa valeur. Un demi-siècle a passé et soudain nous nous retrouvons dans la forêt de la vie moderne sans carte ni boussole. Comment une société abrutie par la dictature peut-elle trouver son chemin dans le monde moderne ? Nous sommes incapables de penser par nous-mêmes, nous n’avons pas de points de repère, nous sommes égarés, nous avons perdu pied. Nous affichons une arrogance superficielle pour cacher la piètre estime que nous avons de nous-mêmes."
Ma Jian, Les nouilles chinoises