vendredi 15 novembre 2013

Sinisation...


... sept ans en Chine, qu'est-ce que ça a changé dans mes habitudes?

Je suis récemment tombée sur quelques articles du types: 10 choses que je ne faisais pas avant d'aller en Chine et je me suis mise à réfléchir sur ces petites habitudes, actions, perceptions qui se sont transformées durant ces sept années. En quoi me suis-je donc sinisée?

Pas facile d'y répondre. En dehors que quelques aspects évidents.

Les plus évidents - mais les moins durables je suppose - d'abord.

Camomille, guoji, sucre et thé vert
1.  L'eau chaude et le thé.
Depuis que je suis en Chine, je bois de l'eau chaude et surtout - je ne bois plus de boissons glacées. Non seulement j'ai réalisé que l'eau bouillie n'a pas mauvais goût (contrairement à l'eau que l'on trimballe une journée entière dans son sac à dos en montagne et qui, je l'admets, est franchement infecte), l'eau bouillie n'a pas de goût, et elle passe mieux. Elle se boit plus lentement (aouch c'est chaud!) et donc désaltère mieux, soulage les muqueuses et évite les chocs thermiques quand il fait chaud: plus d'angines d'été! Et plus (ou presque plus) d'angines en hiver. Avec l'eau chaude, j'ai aussi pris l'habitude de boire des infusions - pas que du thé mais des fleurs, des racines... comme les chinois, j'ai toujours ma bouteille à thé avec filtre à la main (ou qui se balance au bout de la corde dans ma main) dans laquelle on voit flotter de tout: des fleurs - très esthétiques - au blé noir. Et j'ai appris à faire des mélanges selon les besoins: plus de voix? pandahai. J'ai pris froid? Marmelade coréenne de citron, gingembre et thym (parfois miel). Cycle féminin, froid? Jujube! Fait trop chaud? Feuilles de mente, camomille, écorce d'orange...

2. Récupérer l'eau potable pour des soupes.
Quand on doit acheter son eau potable en bouteille, on fait plus attention au gaspillage. Un repas chinois est souvent accompagné d'une soupe (en toute saison), j'ai pris l'habitude de consommer une petite soupe plutôt que de boire un verre d'eau en mangeant. J'avais été surprise la première fois que j'ai commandé des nouilles dans un resto et qu'on m'a servi l'eau de cuisson comme boisson. Insipide! Mais je m'y suis mise aussi: pdt, pâtes: je ne sale pas trop et récupère l'eau pour y faire bouillir quelques minutes quelques légumes - souvent de la gourde, une carotte, un reste de riz, quelques herbes...

3. Porter l'ombrelle.
Quoi de plus beau, en été, que le charme désuet de l'ombrelle? Certaines chinoises se parent de longues robes colorées et d'ombrelles fines qui s'accordent. Pas toutes bien sûr et on voit aussi beaucoup de vieux parapluies servir d'ombrelle. N'empêche, j'ai craqué. J'ai déjà acheté 4 ombrelles (et gardé 3) - la noire en dentelles pour les habits sombres, la jaune vanille pour les clairs, la violette brodée de fleurs pour les tons rouges. J'adore, mais voilà une habitude que je perdrais en revenant en Europe. C'est un plaisir chinois qui se consomme en Chine.

4. La curiosité...
... est un vilain défaut. Mais vu que les chinois ne se gênent pas pour scruter, toucher, manipuler, mettre le nez sur l'écran de l'appareil quand je viens de prendre une photo, dans le livre que je lis, dans le caddy, dans mon assiette... bref.... partout... je m'y suis mise aussi.
Au départ, par manque de vocabulaire, je mettais le nez dans l'assiette des gens au restaurant pour commander mes plats. Ensuite, parce que ça se fait, j'ai laissé libre cours à ma curiosité et n'hésite pas à mettre le nez dans les étals de médecine chinoise sur le sol, poser des questions sur les achats (visibles - je ne mets pas mon nez dans les sacs des gens)... c'est quoi ce légume? C'est quoi ce truc? Excusez-moi, mais qu'êtes-vous en train de manger? je peux l'acheter où? Chose que je n'aurais jamais osé en Suisse.

5. Adresser la parole aux gens...
... sans qu'ils s'en offensent. Je viens d'un pays où il est très mal vu d'adresser la parole à des inconnus. Et si on le fait, ce doit être avec de longues formules de politesse, généralement pour s'excuser de déranger ainsi la personne en osant lui adresser la parole alors qu'on ne la connaît pas. En Chine, les gens s'adressent la parole sans chichis, de manière très directe, ce qui choque parfois... je me suis donc désinhibée. Il m'arrive de m'assoir devant quelqu'un et de papoter. Mais je me fait rabrouer un peu en revenant en Europe, pour ma façon trop directe de m'exprimer. Ah oui zut... les formules, les formules!

6. Ayaaaah.... et autres sales manies qui vous imprègne si on n'y prend garde.
J'ai une amie qui a un livre qui s'appelle "ayaaaah", le mot qu'il faut connaître en Chine. Il sert à exprimer les émotions tant positives que négatives. Et ça devient vite un de ces tics dont on se débarrasserait volontiers. Dans les autres manies, j'ai coupé court à une tentative inconsciente de marche-courir un jour où j'étais pressée. Je n'ai en revanche pas eu le même succès avec la très mauvaise tendance à parler fort quand on ne me comprend pas (pendant que l'autre parti hurle presque) - respire Stéph... et chuchote. (C'est pire au téléphone).

7. Parcourir des distances énormes en pensant "c'est juste à côté"
S'il est une chose qui a changé, c'est ma perception de la distance. Je me souviens de l'été où j'explorais le Kham et l'Amdo à coup de grandes distances en bus. Sur la carte, c'était pas loin - il fallait seulement 6-8 heures de bus pour rejoindre la prochaine étape. Et quelles routes! Dans un pays ou tout est à plus de 10 heures de train, 6 heures de bus, c'est rien. Et pourtant, quand je vivais à Lausanne, il ne me venais jamais à l'esprit d'aller, par exemple, passer la journée ou le weekend à Paris.... c'est quand même à 4 heures de là! :-)

8. Se mettre en standby
Impossible de survivre sans. J'ai appris à le faire au Kenya, lorsque je savais quand je prenais la route, mais jamais quand j'allais arriver, si le trajet allait prendre 3 heures ou 10 heures. Les minibus qui attendent d'être plein avant de partir, qui recommencent à attendre quand ils se sont trop vidé... savoir attendre. Se mettre en standby. A quoi cela sert-il de s'énerver, de faire des remarques, tourner en rond rouspéter?
En Chine, ce n'est pas l'attente, c'est la foule, le bruit, la chaleur (on colle on sue on a la tête pleine d'images et de bruits il y a des gens partout) - se mettre en standby permet tout simplement de ne pas péter un plomb.

9. La sieste...
... j'ai entendu dire que Mao avait tenté de lutter contre et avait laissé tomber. Je ne sais pas si c'est vrai. Pause à midi, retour en classe à 14h30. Entre-deux, repas et sieste. Généralement, je me prépare un café que je laisse refroidir pendant la sieste. Je lis un peu puis je dors entre 10 et 20 minutes. Je me réveille avant la sonnerie du réveil et je me lève immédiatement pour prendre le café. Je réémerge lentement et c'est parti pour une après-midi plus dynamique. Je ne sais pas comment je pourrais m'en passer, de la petite sieste régénératrice.

C'est à peu près tout pour le moment. Du moins, tout ce à quoi je pense. Les évidents donc. Ne reste plus qu'à réfléchir aux changements plus profonds, moins visibles. Que je ne découvrirai peut-être pas moi-même ou pas en Chine... On verra.

1 commentaire:

Ambre a dit…

Et encore un grand merci pour vos billets.

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