3. Derge
Le guide est clair là-dessus: la route pour Derge est difficile, monte très haut et est fréquemment fermée. Il faut donc un certain sens de l'aventure pour s'y risquer, un estomac bien accroché, et tout ce qu'il faut contre le mal des montagnes: y compris le courage de renoncer. On trouve à Chengdu des pilules contre le mal des montagnes, certaines auberges en vendent (Sim's guesthouse par exemple) pour ceux qui veulent s'aventurer au Tibet. Le Kham, c'est le Tibet. Pour atteindre Derge (un peu plus de 3'000 m), il faut passer le col de Trola à un peu moins de 6'000 m. Il faut donc prévoir beaucoup d'eau, et se forcer à boire au maximum. L'aspirine aide. Et s'assurer d'avoir ses pilules contre le mal des montagnes. Surtout, il faut s'acclimater un peu à l'altitude avant d'aller faire le col.
J'ai de la chance, mon estomac passe le test avec succès, et le mal des montagnes n'a pas montré le bout de son nez. En revanche, mes poumons s'en prennent plein les bronches: autre petit accessoire très utiles: acheter un masque en tissu à Ganzi, on en trouve plein. Ce n'est pas pour rien que les Tibétaines sont masquées, la route de terre reçoit peu de pluie et l'on respire de la poussière pendant des heures, même avec la fenêtre fermée! Fenêtre que l'on a très très très envie d'ouvrir, vu que les tibétains conducteurs ou passagers s'adonnent au culte du tabagisme clope sur clope!
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Sur le col du Chola |
Pour rejoindre Derge, il y a un bus officiel difficile à prendre car généralement plein (et difficile à trouver aussi), et beaucoup de minibus privés qui partiront quand ils auront assez de clients ou un prix convenable. Là, il faut négocier sec. C'est ce que fait une américaine travaillant dans la région, et habituée à négocier en tibétain. Je la laisse faire. Elle sera une agréable compagne de voyage durant trois jours. Le minibus en question nous dépose à Manigango où il nous trouve un autre véhicule: il faut un peu se battre pour s'assurer que l'on ne va pas payer plus, que le prix négocié à Ganzi va jusqu'à Derge. Mais le problème est vite résolu. On attend quand même 2 heures avant de repartir.
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Lâcher les chevaux de vent au Col du Chola |
Manigango est un bon point de départ pour visiter le lac sacré au pied du mont Chola, et faire des randonnées à cheval avec le Chola pour cadre. En revanche, la ville dégage une terrible pauvreté et un grand sentiment d'insécurité, renforcé par la meute de chiens errants qui traînent entre nos jambes. Nous sommes assaillis par de vieilles mendiantes pendant environ tout le temps de l'attente, à qui s'ajoute les curieux. Notre nouveau conducteur, clope au bec (annonçant ainsi le programme du voyage: il faut quand même supporter, sur des cols qui tourbillonnent, le parfum si particulier de la clope-voiture, fumet particulièrement écœurant qui n'aide pas), achète des petits chevaux de vent en papier. J'en achète aussi. J'aime beaucoup les chevaux de vent,
longda, et la tradition de les libérer au point culminant des cols. Une fois qu'ils touchent terre, dit-on, ils deviennent de vrais chevaux.
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Imprimeurs au travail |
Derge, qui abrite dans son monastère parmi les plus sacrés la plus ancienne imprimerie bouddhiste encore en fonction, n'est pas un but en soi. C'est un lieu de pèlerinage et l'on rencontre sur la route qui y mène un pèlerin qui fait tout le trajet à plat ventre (il doit recouvrir toute la route de son corps). La route qui y mène est à couper le souffle, et l'on ne sent pas les heures s'écouler dans un paysage aussi grandiose. Rien que pour cela, le trajet vaut le coup. On passe des vertes vallées aux rocs impitoyables, la route vertigineuse plonge vers des précipices, passe sous des arcs de roche qui semblent en équilibre. Le bus saute plus qu'il ne roule, dérape parfois et soulève des tempêtes de poussière! Coincée entre un moine, une américaine et un paysan, ma tête atteint plusieurs fois violemment le plafond et mon postérieur se bat avec les ressort des mauvais sièges.
Arrivées à Derge, épuisées, un peu oppressées par cette ville prise dans d'étroites parois de roches alors que nous quittons les plaines ouvertes, nous trouvons un hôtel non officiel, encore en train d'être construit, avec ds chambres neuves et une famille accueillante. Douches publiques non loin de là et petite balade digestive après le souper.
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Derge |
Derge est jolie, mais étroite et n'offre pas vraiment de possibilités de randonnée. On y va pour le monastère et son imprimerie, mais cela ne vaut pas la peine d'y rester plus de 2 jours. Ma nouvelle amie américaine va rejoindre un monastère bouddhiste pour se retirer quelques temps. C'est, certainement, la seule autre possibilité à Derge.
Néanmoins, l'imprimerie est impressionnante et superbe et je dois l'admettre, j'ai adoré le trajet: quelle belle route! Au retour, j'en profiterai encore plus: le bus étant plein, j'ai dû faire de l'autostop (en fait, pas mal de propriétaires de véhicules amortissent volontiers le prix du trajet avec des passagers. Une ou deux heures d'attente au bord de la route. Une jeune tibétaine en costume traditionnel me rejoint, puis un homme qui m'expliquera plus tard qu'il est imprimeur à la fameuse imprimerie, et une autre femme qui distribuera à la ronde les clopes qui enfumeront notre véhicule pendant une bonne partie du trajet. Véhicule que j'hésite à prendre d'ailleurs: je vais faire le col du Trola à 5 dans une minuscule changan, la fiat 500 des chinois! Son radiateur nous abandonnera d'ailleurs bien avant notre arrivée au col. Arrivée à Manigango, je me serai fait une amie d'une jeune tibétaine qui ne parle qu'avec des sourires, mais qui viendra me serrer la main quand on se rencontrera par hasard dans une rue de Ganzi. Après avoir mangé ensemble un ragoût de champignons (spécialité de la région), on se sépare de notre conducteur et on continue la route avec une famille tibétaine un peu plus aisée (la voiture est neuve), dont la petite fille fascinée par l'étrangère, se met en tête de me donner un cours de chinois tandis que l'on se partage de la viande de yak séchée.
Voici un petit film sur l'impression de feuillets de prière