Assise sur la un banc métallique du couloir froid et sale d’un vieil hôpital, j’attends mon tour. Mon premier hôpital chinois n’est pas le grand hôpital du district, mais un petit hôpital populaire, bondé, où les médecins passent leurs consultations à la chaîne. Les patients, à l’exception d’un vieil homme assis à côté de moi, s’entassent dans le cabinet, autour de la table du médecin invisible, complètement submergé par son public. Certains lui tendent des feuilles, lui posent des questions, d’autres poussent pour mieux voir. Ça m’inquiète un peu : faut-il donc que comme eux je pousse pour obtenir mon tour, ou y a-t-il un ordre de passage qui me permette de rester assise ? La réponse ne tarde pas. D’une belle gueulée, le médecin chasse la foule hilare qui se précipite au-dehors et attend derrière la porte fermée, puis entrouverte… Il aura environ 10 minutes de répit.
C’est donc entourée de monde que je passe en consultation. On s’étonne que je parle un peu le chinois, on admire mon étudiante qui parle si bien le français tandis que le médecin fatigué, surchargé me pose quelques questions, m’examine un peu et m’envoie à la pharmacie. J’ai la grippe. Il ne peut rien faire mais m'envoie au guichet des médicaments. On paie à l'avance. Puis la pharmacienne se présente avec un petit panier remplit de médicaments dans de belles boites chinoises aux symboles mystérieux : licornes, chevaux, dragons et calligraphie dorée. Parmi tous ces médicaments, celui que je devais prendre le soir me réserva une belle nuit blanche: c'est en relisant la posologie que je découvris qu'un pourcentage très élevé de caféine entrait dans sa composition. Je l'ai donc arrêté. Et recevais peu de temps plus tard un courriel d'une élève qui me tançait: "j'ai appris que tu ne prenais pas tes médicaments. Ce n'est pas bien!" S'ensuit, une recette de sa grand-mère pour se soigner.
Il n'est pas possible de rester plusieurs années en Chine sans passer à un moment où à un autre par la case Hôpital. Eh oui, en Chine on s'y rend assez automatiquement, dès que le médecin-pharmacien s'avère dépassé ou que le problème est plus important qu'un simple rhume.
Le médecin pharmacien? Ici, les pharmacies ont leur médecin qui offre un consultation rapide et bon marché avant de nous diriger vers le traitement (de médecine chinoise) approprié. Il y a aussi beaucoup de petites chambres de consultation de quartier, des chambres ou des tentes de repos (un ou deux lits en vitrine ou sous tente) dans les quartiers les plus défavorisés, et un(e) représentant(e) du personnel médical qui s'ennuie en attendant.
L’hôpital militaire du district de Shapingba - Chongqing. C'est celui qui a très bonne réputation, le meilleur de la région, en fait. Il faut avouer que Chongqing a de la chance, les hôpitaux de Xi'an sont lamentables. Le hall gigantesque donne l'impression d'être dans un aéroport. Les hôtesses en uniforme participent parfaitement à l'impression. Les gens se pressent comme s'ils partaient en voyage. Au fil de la visite, je compte cinq uniformes différents, sans parler de l’uniforme militaire des médecins.
Première étape : acheter un carnet (5 mao).
Deuxième étape : passer au guichet et décrire le problème afin d’être dirigé vers la bonne section et d’être enregistré. Il faut ensuite trouver la section. Cette étape se fait donc difficilement sans un guide chinois.
Troisième étape : attente dans le couloir de la section. Consultation no. 1.
Quatrième étape : payer les soins à venir.
Cinquième étape : se rendre à la section des soins – attendre son tour. Là, il faut vraiment venir tôt. Avec de la chance, on attend pas plus d'une demi-heure. Avec de la chance...
Sixième étape : soins, radiographies, consultation (selon le problème). Si radiographie: une heure d'attente avant de retourner voir le médecin consultant.
Septième étape : payer les médicaments
Huitième étape : aller chercher les médicaments.L'hôpital a toujours deux guichets: les médicaments occidentaux et la médecine chinoise. La médecine chinoise est parfois volumineuse et on voit des gens quitter l'hôpital avec un caddy plein!
Huit parties. Comme la dissertation. On se balade beaucoup. Et il y a énormément de monde ce qui en résulte en des attentes interminables et parfois l’obligation de revenir l’après-midi ou le lendemain, le médecin n’étant plus là l'après midi. Tout se paie avec le porte-monnaie électronique de l’hôpital sur lequel il faut mettre une bonne somme d’argent dès le départ. On est remboursé à la fin.
J’ai vu des familles faire plusieurs fois le tour de la section dans laquelle j’attendais avec le lit d’un parent franchement mal en point, car ce sont les familles qui s’occupent des malades et qui les trimballent dans leur chaise, lit, à travers l'hôpital. Le personnel infirmier est limité et ne s'occupe pas de ce genre de choses. Étonnant, dans un pays avec autant de chômage, mais les coûts de la santé sont extrêmement bas. C'est ainsi qu'on les garde aussi bas. Il faut ajouter ici que la consultation ne coûte presque rien (3 yuans pour voir le médecin et ce n'était pas la consultation mais l'inscription), ce sont les médicaments et les soins qui coûtent quelque chose. Et là encore, selon les procédures, le prix peut être étonnement bas, ou on peut être pris par surprise par un prix assez élevé. La radiographie par exemple coûte cher, ainsi que certains médicaments. Personnellement, je n'ai jamais dépassé 200 yuans, sauf lors de l'achat de l'attelle pour ma cheville fracturée (1300 yuans).
L’un de mes amis a dû être hospitalisé avec une crise d’appendicite. A minuit, il sort de la salle d’opération. On charge sa femme de le tenir éveillé pour les 8 prochaines heures. De minuit à 8h00, elle reste donc à son côté et le secoue un peu chaque fois qu’il s’endort. Épuisée, elle rentre enfin chez elle à 8h00 et va se coucher. Une heure plus tard, l’hôpital l’appelle : son mari réclame des anti-douleurs. Il faut qu’elle vienne les payer à l’avance. C’est elle également qui va s’occuper de nourrir son mari, de le laver, bref, de lui donner les soins que donnent normalement les infirmières. Du coup, la question se pose : que fait-on quand on est un(e) célibataire solitaire et que l’on doit être hospitalisé ? Être seul en Chine tient réellement de la malédiction. Les chinois trouvent cela inimaginable. C’est quand on tombe malade que l’on comprend pourquoi.
Extraits repris de l'ancien blog
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